Éditos

ELECTIONS EUROPÉENNE: POUR QUE LA LISTE DE LEON DESFONTAINES PASSE LES 5% par Yves Dimicoli

Sans une avancée dans la compréhension populaire de ce qu’il faut faire en France et en Europe pour changer, risque de s’engager les pires manœuvres de recomposition politique à l’issue du scrutin de juin .

Selon une récent sondage, 78% des électeurs du PCF, 80% des électeurs de Mélenchon et, au total, 73% des électeurs en France seraient « favorables au projet européen ». Par contre, 54 % d’entre eux seraient en désaccord avec lui « tel qu’il se met en place ».

On retrouve ici des éléments d’orientation affirmés par le PCF depuis longtemps dans ses congrès : oui, il faut une construction européenne, mais une autre que celle qui, pour l’heure, existe.

La maturation du débat a progressé face au gouffre qui ne cesse de se creuser entre les promesses faites par les promoteurs de l’UE actuelle et la réalité de ses réalisations.

La campagne pour les élections du 9 juin prochain est très importante de par son contexte. L’exaspération populaire, grosse de la protestation contre l’ UE actuelle mais orpheline d’un projet alternatif, donne lieu à une dangereuse récupération par les populistes d’extrême-droite. Elle est d’autant plus importante que l’élection présidentielle est désormais en vue.

Il faut donc lever des forces qui y voient clair, plutôt que de s’en tenir, avec des formules toute faites sur les salaires, le travail ou la bonne chair, à des critiques de l’ordre européen existant sans jamais énoncer les pouvoirs et les moyens financiers, radicaux et réalistes, avec lesquels on pourrait s’en émanciper, vers un nouvel ordre. Il nous faut prendre ces élections comme un moment de bataille d’idées, de mobilisation, de conviction et pas seulement électoraliste.

A ce propos, gardons à l’esprit que l’échec du mouvement contre la réforme des retraites préconisée par Macron en 2023 tient aussi au fait que l’on s’est contenté d’accompagner l’ action revendicative, dans ses protestations mais aussi dans ses conservatismes, sans expliciter précisément comment faire autrement et mener le débat.

Sans une avancée dans la compréhension populaire de ce qu’il faut faire en France et en Europe pour changer, risque de s’engager les pires manœuvres de recomposition politique à l’issue du scrutin de juin .

Cela invite à donner un nouveau cours à la campagne de la liste conduite avec une belle énergie par Léon Desfontaines, seule à même de commencer à bousculer la donne si elle atteint les 5%.

Quels sont les éléments qu’elle devrait surmonter pour mieux servir de boussole à son électorat potentiel ?

Le premier concerne les risques de guerre. Ils inquiètent les Français qui, pour l’heure, ne veulent pas d’un conflit européen généralisé, malgré les efforts d’instrumentalisation de leur anxiété par le bellicisme d’un E. Macron ou d’un R. Glucksmann. Mais cela pèse considérablement sur la perception des enjeux de classe à l’œuvre, indispensable pour pouvoir engager la construction d’un rassemblement transformateur.

La situation créée, via la tragédie ukrainienne, par l’affrontement grandissant entre l’impérialisme dominant, les Etats-Unis, et l’impérialisme dominé qu’est la Russie devenue capitaliste, peut rappeler la période au cours de laquelle les dirigeants européens, tels des « somnambules », comme l’a analysé l’historien australien Christopher Clark1, ont fait inexorablement marche vers l’apocalypse de 1914 sans jamais chercher à l’éviter, obnubilés par leurs ambitions impérialistes, coloniales et la nécessité de classe de défendre les intérêts capitalistes nationaux dominants.

Alors quoi, s’agirait-il de rééditer cette sombre partie de notre histoire ? N’entend-on pas, en effet, ici et là de bons apôtres, caressant l’espoir de faire de l’Europe un impérialisme unique, proclamer la nécessité d’un « saut fédéral de l’Union » 1 et qu’il faut « se préparer à la guerre » 2,

1 Interview de R . Glucksmann, Le Monde, 10/03/2024.

2 Déclaration de B. Pistorius, ministre allemand de la défense, 04/04/2024, www.lemande.fr .

K. Marx, à la suite d’Hegel, relevait que « (..) tous les grands événements et personnages de l’histoire se produisent pour ainsi dire deux fois », mais il ajoutait : « la première fois comme une grande tragédie, la seconde fois comme une farce sordide »4. En l’espèce celle-ci serait particulièrement abjecte aujourd’hui, compte tenu de la force des interdépendances du monde contemporain, des armes nucléaires dont il est parsemé et de l’ampleur de la révolution militaire qu’il connait avec les technologies informationnelles.

Ne faudrait-il pas, au contraire, comme l’a suggéré Frédéric Boccara sur BFM-Business, cesser de faire parler les armes et arrêter de tenter d’ élargir l’OTAN, neutraliser le Donbass, y déployer la force de maintien de la paix de l’ONU (casques bleus) et réorienter, en coopération,  les industries d’armement vers la seule défense et leur conversion pour des productions civiles5? Et cela sans parler de l’arrêt des fournitures d’armements.

La souveraineté populaire est une question fondamentale face au risque de son écrasement par la poursuite obstinée d’une nouvelle « Union sacrée ». Mais, sa seule revendication (souveraineté sur quoi d’ailleurs ?) ne saurait suffire à prévenir les risques d’embrasement actuels. Pire, coupée de tout projet européen alternatif, elle peut être confondue avec le « souverainisme », voie royale vers le nationalisme.

Le second élément à surmonter dans la campagne des européennes tient au manque de mobilisation politique pour réorienter, sans attendre, la Banque centrale européenne (BCE). Il contribue à faire un tabou de la question si fondamentale de ses pouvoirs et, donc, de l’utilisation de l’euro, aujourd’hui béquille du dollar au service de la domination des marchés financiers. Hayer (Macron), Bellamy (LR), Glucksmann (PS), Toussaint (EELV), Aubry (LFI) font silence là-dessus, ainsi que le candidat du RN.

La BCE est une institution publique fondamentalement politique. En atteste le soutien gigantesque permanent qu’elle apporte au capital financier par son pouvoir, très extensible, de création monétaire et par sa politique de taux d’intérêt pour endiguer les luttes populaires. Cela, aujourd’hui, rend encore plus vulnérable l’Europe.

C’est pour fataliser l’unicité d’une telle orientation que les défenseurs de l’UE actuelle prétendent maintenir l’institut de Francfort à l’abri de tout débat politique et des luttes sociales. Le pacte de stabilité, si justement honni, sert à empêcher l’expression des besoins sociaux et sociétaux de développement de solliciter la création monétaire de la BCE.

Il faut, au contraire, comme le propose le PCF, conformément aux décisions des communistes prises en congrès, utiliser tout autrement ce formidable pouvoir de créer de l’argent immédiatement disponible. Il s’agirait, d’abord, via un Fonds européen démocratique ad hoc, de mobiliser cette création monétaire pour le financement d’un très puissant essor des services publics dans l’UE. Il s’agirait aussi d’ imprimer au crédit bancaire dans l’UE, une nouvelle sélectivité de son refinancement par la BCE qui rende favorable à l’emploi et à la formation, au social et à l’écologie, les investissements matériels et de recherche nécessaires.

On peut faire vivre ses idées, au lieu de les refouler en se contentant de mettre en avant, à gauche, le préalable d’une réforme fiscale face, à droite, au préalable d’une diminution de la dette. Et cela pour tracer un horizon de lutte qui pourrait devenir progressivement commun à tous les Européens avec les chantiers immédiats de construction d’un système de sécurité d’emploi, de formation et de revenu pour chacun-e, seule alternative à la « flexisécurité » sociale-libérale ou à la jungle du modèle social anglo-saxon avec la concurrence « libre et non faussée »

C’est, d’ailleurs, en traitant des enjeux du travail en relation étroite avec une telle perspective et ses chantiers de luttes immédiats, nécessitant la conquête de pouvoirs nouveaux décentralisé des salariés, des populations et de leurs élus sur l’utilisation de l’argent des entreprises, des banques, des Etats et de leur union, que l’on évitera de tomber dans les pièges du travaillisme qui fait tant de mal outre-Manche.

Enfin, pourquoi aurait-on besoin d’une Union Européenne et de l’euro si l’on brandit sans cesse, comme préalable à toute lutte, des clauses dérogatoires. Au demeurant, le Traité sur le fonctionnement de l’UE comporte en son article 114-4 la possibilité pour tout pays membre d’activer une « clause de sauvegarde » lui permettant de suspendre tout ou partie du traité auquel il a adhéré et, depuis le Brexit, en son article 50, l’organisation de la sortie éventuelle de l’Union. Mais le sondage mentionné au début de cet article tend à prouver que ce n’est pas là la voie recherchée et attendue par l’immense majorité des électeurs, particulièrement ceux de gauche.

Alors allons-y, n’hésitons plus à porter nos propositions à l’appui des exigences populaires en faisant œuvre de pédagogie politique.

1 Les Somnambules. Eté 1914 : comment l’Europe a marché vers la guerre. Flammarion, 2015.

2 Interview de R . Glucksmann, Le Monde, 10/03/2024.

3 Déclaration de B. Pistorius, ministre allemand de la défense, 04/04/2024, www.lemande.fr .

4 Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte (1852).

5 Certains envisagent une neutralisation de toute l’Ukraine et la tenue d’un référendum sur le Donbass, noire sur la Crimée.

4 comments on “ELECTIONS EUROPÉENNE: POUR QUE LA LISTE DE LEON DESFONTAINES PASSE LES 5% par Yves Dimicoli

  1. Besse Daniel

    Dans les 2 Humanité , il n’y a plus que des reportages , des témoignages sans solutions . Il y a pas si longtemps , il y avait encore une chronique d’un économiste du Parti le mercredi dans l’Huma. journalière . Il n’y a plus rien . Pour faire connaître les propositions des 38ème et 39ème Congrès pour une visée communiste , il faut s’abonner à Economie et Politique .

    • Besse Daniel

      Lorsque l’on a appelé à voter NON au traité de Maastricht et à la Constitution libérale européenne , je pense qu’il faut bien faire comprendre que nous ne sommes pas contre l’Union européenne , mais contre le contenu de ses Traités qui fait la part belle aux multinationales , aux financiers contre les peuples .

  2. GOSSELIN Bertrand

    C’est exact, ceux des camarades qui ne lisent pas « Economie et Politique » ne peuvent connaitre nos propositions économiques ayant trait à cette campagne des européennes … (notamment tout ce que nous préconisons quant à la BCE avec l’utilisation de l’article (123.2 du traite de Lisbonne) Quel dommage alors qu’il est fait souvent état dans nos journaux, des positions d’OXFAM ou de celles des Economistes Atterrés qui sont loin d’avoir la même portée que celles portées par la commission des économistes de notre parti.
    Bien fraternellement

    • Besse Daniel

      Prendre le pouvoir sur l’argent , pour de nouveaux critères de gestion des entreprises , beaucoup de camarades ne connaissent pas , encore moins les travailleurs . Certains camarades en reste à un copier-collé du CNR , alors qu’il faut aller plus loin aujourd’hui , vers l’autogestion , pas la cogestion .

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