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Frédéric Boccara (section de Montrouge) : Le mouvement social concernant les retraites est considérable, « à potentiel systémique », mais il a besoin de perspective tant politique que de fond, et de contenu portant sur une réforme alternative.

C’est la raison pour laquelle il nous faut mener une campagne qui articule l’enjeu démocratique et le grand enjeu de l’emploi.

Le mouvement social concernant les retraites est considérable, « à potentiel systémique », mais il a besoin de perspective tant politique que de fond, et de contenu portant sur une réforme alternative.

  1. Partons de l’intervention d’E. Macron qui répond au mouvement en faisant du judo, c’est-à-dire en le fixant sur un pied et en l’emmenant à partir de sa lancée là où lui, Macron, veut aller.
  • Le pouvoir macronien cherche à fixer le mouvement dans le couple violence/répression et sur une vision de la démocratie très institutionnelle, parlementaire et « de sommet ». Et une grande partie de la gauche tombe dans ce piège. Il nous faut mettre dans le mouvement nos contenus, nos propositions alternatives avec la cohérence dont elles sont porteuses : taper sur la finance (le coût du capital, les dividendes des entreprises), emmener les entreprises dans un chemin de progrès pour une tout autre conception de l’efficacité, économique, sociale et écologique, mettant le développement des capacités humaines et de l’emploi en son cœur en conjonction avec l’enjeu d’une tout autre démocratie qui va jusqu’aux décisions des entreprises sur l’emploi et leur utilisation de l’argent.
  • E. Macron passe en force et se raidit face au mouvement. Mais attention, dans le même temps, il part du sentiment qu’il faut élargir à toutes les questions du « travail » … mais il ene parler pas d’emploi ! Or plus de travail sans créer des emplois… c’est la surexploitation. Et, avec son projet « France-travail » (que j’entends plutôt « France, travaille !! », il entend forcer les chômeurs à prendre n’importe quel travail, et conditionner les allocations à un sous-emploi. Or l’emploi, c’est l’ensemble des dispositifs institutionnels, sociaux, qui civilisent le travail, organisent la coopération, voire les droits d’intervention, et permettent au travail d’être à la fois socialement positif (voire émancipateur) et efficace. Il nous faut absolument contre attaquer sur l’emploi, la création massive d’emploi, et donc d’une part la responsabilité des entreprises et des employeurs pour créer des emplois (et non l’attente dans le jeu des « libres forces du marché »), pour augmenter les salaires, et d’autre part la formation qui est indispensable face aux pénuries dans la santé ou dans l’éducation). Tout cela renvoie à l’utilisation de l’argent public et des entreprises.

Il y a aussi à présent un grand enjeu à donner un sens au mouvement et à sa poursuite (en observant les formes qu’il peut prendre) : le capital a besoin d’une telle réforme (1) avec la hausse des taux d’intérêt qui va amener les marchés financiers à prélever 20 à 30 Md€ de plus sur les dépenses publiques et (2) car le gonflement de la valeur du capital fait qu’il lui faut plus de profit, ne serait-ce que pour maintenir son taux de rendement…

Donner un sens au mouvement, c’est aussi unifier toutes les couches sociales à la fois celles et ceux qui se reconnaissent dans le monde du travail, et en font partie (y compris bien sûr les retraités et les chômeurs), mais aussi tous les jeunes ― au chômage, ou en formation ― ou encore tous les cadres et couches supérieures ! Gros travail de sens et d’unification : le capital contre toute la société… C’est notre travail de parti d’idées et de luttes, avec au cœur de ces idées la Sécurité d’emploi ou de formation.

  1. En regard de ces objectifs il faudrait lancer partout une campagne sur l’emploi et les services publics : de l’argent pour l’emploi, en faisant le lien avec la formation et le besoin d’une tout autre utilisation de l’argent. Pour les services publics, il est particulièrement flagrant que le système de retraites serait autrement mieux conforté par le pré-recrutement massif de 100.000 personnes pour la santé et 50.000 pour l’éducation nationale, avec un pré-salaire durant leur formation et la perspective d’un emploi assuré ensuite : ils donneraient lieu à cotisation immédiatement, dès leur pré-salaire, et créeraient ensuite les richesses en étant en emploi tout en apportant à la collectivité un service public indispensable.
    Cela fait tout à fait sens de lancer cette campagne à partir de différentes fédérations et départements, qui pourrait devenir une campagne nationale.
  1. Une campagne, cela veut dire un plan de travail, avec des objectifs, avec différents temps et types d’expression : quelles cités populaires cible-t-on ? Quelles entreprises ou bassins d’entreprises ? Une propagande et la conjugaison entre débats et action (pétition ?). Nous pourrions envisager de la rythmer avec l’élaboration d’un appel émanant à la fois de jeunes des cités populaires et de salarié.e.s (voire d’usager.e.s et d’étudiant.e.s ou de lycénen.nes), avec des initiatives devant des entreprises, des banques ou des institutions publiques. etc. Dans un premier temps, il faut en tout cas un tract.
    Cela peut aider les directions ― nationales et fédérales ― à organiser leur fonctionnement : communication-tract, formation, relation aux élus, organisation (section + tenue d’initiative), etc.
  1. Pour agir il faut prendre appui sur le congrès. Il n’a pas fait qu’ouvrir des débats, il a pris un certain nombre de décision de fond et d’orientation, dans lesquels il nous appartient évidemment de nous inscrire, de façon créative, à la fois en phase avec le vote des communistes dans les fédérations, les débats des conférences fédérales, mais aussi pour être un parti national. Citons quelques points : le besoin d’un nouveau type d’union à gauche ; l’articulation entre écologie et le dépassement du capitalisme ; l’analyse de la crise, en articulant temps long et temps court ; la perspective communiste comme chemin et but à la fois, et sa caractérisation ; les contenus incontournables de nos propositions, avec en leur cœur notre projet de « sécurité d’emploi ou de formation »1 et des pouvoirs nouveaux sur l’utilisation de l’argent, avec de nouvelles institutions du local au national et dans les entreprises, ainsi qu’un nouveau type de nationalisation des banques dd. Sur l’Europe, la conférence que nous avons décidée à l’automne est consacrée à « préciser notre projet » d’après ce que nous avons adopté. Mais il nous faut lancer la campagne dès la fête de l’Humanité. Car nous avons un projet original et car la crise en Europe exige que nous fassions lever des mobilisations dès à présent : contre l’austérité, face à la crise financière montante (celle-ci est prétexte à attaquer encore plus l’emploi et les services publics) et face à sa restructurations guerrière ― industrielle et diplomatique ― sous la houlette de l’impérialisme étatsunien.
  1. Le congrès a ensuite dessiné un certain nombre d’objectifs pratiques, de priorités d’activité en quelque sorte, dans lesquelles il va nous falloir nous insérer, toujours à partir du réel bien sûr : formation, entreprises, développement des cellules et adhésion-renforcement.
  1. Concernant les entreprises, il ne s’agit surtout pas de s’y enfermer, en cloisonnant notre activité. Une réussite d’un travail sur l’entreprise nécessite que la question du rôle de l’entreprise, des pouvoirs dessus, de ses critères de fonctionnement, ait une place particulière dans tout notre discours politique. Pour que des dispositions organisationnelles, voire « administratives », aient un effet, il faut aussi que l’entreprise ait une place politique dans la façon dont nous décrivons les pouvoirs, dont nous désignons des cibles et responsabilités, dans la façon dont nous nous adressons à toutes et tous. Ceci prend une résonance particulière dans l’Ile de france avec le nombre de sièges sociaux qui s’y trouvent et avec le centre financier de La Défense.

7. Articuler l’action pour la démocratie avec la question de l’emploi !

Macron et sa politique engendrent une véritable crise de la démocratie, une « crise de régime ». Nous assistons à la crise de ce qui s’était mis en place en réponse à la crise du CME (mondialisation ultra-libérale, financiarisation, révolution informationnelle contrôlée par les multinationales).

  • C’est la raison pour laquelle il nous faut mener une campagne qui articule l’enjeu démocratique et le grand enjeu de l’emploi. D’ailleurs la 5è République ce sont tout particulièrement des institutions qui non seulement verrouillent la démocratie mais masquent la responsabilité des entreprises. Macron fait écran au grand patronat. Il faut voir l’entreprise comme une institution dans laquelle s’exerce un pouvoir et qui exerce elle-même un pouvoir sur la société2. Il nous faut montrer à quel point on se heurte au grand patronat et à la logique du capital, et donc le besoin d’institutions nouvelles pour une autre utilisation de l’argent, le besoin d’institutions pour agir sur les entreprises, donc pour agir sur la production, l’emploi, le travail : par exemple les conférences « emploi, formation, transformation productive écologique » qui sont au cœur de notre projet de nouvelle république. C’est bien autre chose qu’une simple république parlementaire, type 4ème république. La démocratie, c’est aussi des institutions de partage et démocratiques au niveau européen, permettant d’exercer des droits au lieu de subir le pouvoir de la classe dominante.
  • La démocratie c’est enfin un grand enjeu mondial, posé par toutes celles et ceux qui exigent un autre « ordre mondial », notamment « un autre ordre économique mondial », à commencer par la remise en cause de l’impérialisme américain et du dollar, pour une monnaie mondiale véritablement commune permettant le développement des biens communs de l’humanité toute entière. C’est une grande question mise à l’ordre du jour par les peuples du Sud et des pays dits « émergents ». Elle traverse objectivement les souffrances et exigences de toutes les couches sociales exploitées et opprimées dans les pays « du Nord » dans leur grande diversité… même si cette conscience n’est pas encore claire et qu’il s’agit de la faire mûrir…

1 qui n’est pas du tout « tout le monde au travail », comme certains veulent le faire croire. C’est bien plutôt l’éradication du chômage. Car au contraire nous voulons beaucoup de gens à la retraite (ce n’est pas du travail…), beaucoup de gens en formation (ce n’est pas un travail mais une activité qui exige une allocation issue du revenu créé par le travail des autres). Nous voulons un travail émancipateur, épanouissant et efficace, donc à la fois bien payé, avec des salariés formés, des travailleurs.ses ayant un pouvoir sur son organisation et sur ses buts, donc sur les investissements. Etc. Et des travailleurs pouvant changer d’emploi et de travail, avec l’accès systématique à une formation rémunérée. C’est E. Macron qui exige que tout le monde travaille, quel que soit le travail !!

2 par ses productions, par ses technologies, par sa capacité d’emploi ou de mise au chômage, par sa création de richesses, par sa distribution (ou non) de richesses dans la société, et par la façon dont elle des distribue.

2 comments on “Frédéric Boccara (section de Montrouge) : Le mouvement social concernant les retraites est considérable, « à potentiel systémique », mais il a besoin de perspective tant politique que de fond, et de contenu portant sur une réforme alternative.

  1. PIERRE ASSANTE

    Bien !

  2. François GOT

    “FORMATION” ce mot revient sans cesse… ne pourrait-on pas commencer à imaginer son contenu et à agir: Quel plan national? centre AFPA qu’en reste-t-il? comment remettre 3 millions de personnes dans le circuit en tenant compte de leurs difficultés sociales et psychologiques?

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