Notre congrès se déroule dans un moment de crise de la science, liée aux crises que traverse la société. Le rôle des communistes peut être décisif pour construire avec d’autres intellectuels une démarche rationaliste offensive au service du progrès, pour contribuer à de réelles alternatives à la crise économique alimentée par la politique de Macron, et contre les fausses solutions de l’extrême-droite.
La question n’est pas nouvelle. Au début des années 1930, une autre crise de la science s’est déroulée, sur fond de guerre, de crise économique profonde, et de montée des irrationalismes liés aux fascismes. Les voies empruntées alors par les intellectuels marxistes peuvent nous inspirer. Leur activité, soutenue par le PCF au même niveau que les luttes sur les lieux de travail et dans les institutions pour défendre la République et la rendre sociale, a contribué à divers rassemblements (Cercle Descartes, Mouvement Amsterdam-Pleyel…) : ils ont développé des analyses inspirées de Marx, les ont confrontées avec d’autres sans céder au diktat d’aucun partenaire. Des conférences ont été organisées (par Langevin, Prenant, Wallon, Maublanc, etc.) pour mettre au travail dans leurs disciplines scientifiques l’approche matérialiste, dialectique, et la mettre en débat avec d’autres : la production intellectuelle pour analyser le réel, nourrissant l’élaboration du point de vue communiste et sa diffusion, a constitué un point de débat avec les autres approches rationalistes. De cette articulation entre avis assumé et dialogue sont nées des solidarités entre intellectuels qui ont contribué au Front populaire, plus tard à la Résistance avec le Front National Universitaire, puis à la recréation des institutions de recherche à la Libération.
Ne pas se tromper d’analyse. Aujourd’hui, la gravité de la crise économique et de la politique de Macron, dans un paysage de périls plus larges, implique que l’on y répondre sur le fond. C’est une impasse que de s’interdire de penser et de faire des propositions parce qu’il faudrait préserver une union électorale sur le plus petit dénominateur commun : c’est un facteur d’impuissance pour comprendre et agir sur le monde. Pire, cela conduit à s’aligner sur un faux consensus entre une partie de la gauche et de la droite, basé sur les divisions idéologiques, sur des identités figées : celles qui opposent hommes et femmes, natifs et immigrés, travailleurs et usagers, diplômés ou pas… même en se rangeant du côté des catégories pénalisées dans ces oppositions, on véhicule de fausses dichotomies qui entérinent la zizanie, on reste dans le même logiciel que nos adversaires. Cela sert les forces du capital qui veulent masquer les injustices basées sur des possessions matérielles derrière les oppositions entre des « représentations ». Plutôt que d’opposer la prise en compte de l’exploitation et des discriminations, il faut voir en quoi ces dernières participent à favoriser les divisions, donc le patronat. Le salaire des femmes ou celui des immigrés doit être égal à celui de toutes les catégories de travailleurs de la même qualification : les ennemis, ce ne sont pas les collègues, ni les bénéficiaires de la retraite quand on court le risque de voir la sienne retardée. Plutôt que de contribuer à la division et au corporatisme, nous sommes utiles et rassemblons les nombreuses personnes désorientées, quand nous portons nos idées : l’universalisme doit rester dans le camp du progrès et du rassemblement des salariés contre l’exploitation. Ce que ces derniers ont en commun, c’est de détenir surtout leur force de travail, face aux possédants.
Face aux dangers, science et rationalité. Le PCF est utile au rassemblement progressiste quand il refuse de se laisser enfermer dans les faux choix entre le rejet de la science ou la mise de celle-ci sous tutelle des choix capitalistes. Et sur ce sujet, il faudra faire le bilan des graves dérives qu’ont alimentées certains de nos partenaires pendant la pandémie. De même, les solutions au sérieux problèmes climatiques sont uniquement à chercher dans des approches rationnelles.
Surmonter la crise du rapport à la science. Tout autant que la crise économique et politique, celle de la science est aiguë : non, la vérité n’est pas qu’une affaire de point de vue, comme le prétendent certains qui ont renoncé à leur travail scientifique et professent seulement ce qu’ils ont envie de voir selon l’identité dans laquelle ils se reconnaissent. La vérité se conquiert progressivement par le travail scientifique sérieux sur les faits objectifs.
Depuis le dernier congrès, le PCF a renoué avec le rassemblement du salariat, en s’adressant à ses composantes les plus populaires. Le moment est venu de poursuivre la démarche en direction des composantes intellectuelles du salariat. Nous en avons le devoir et les moyens, grâce à la production de nombreuses revues de qualité et de collectifs de travail. Construisons des espaces de dialogue et de rassemblement où les analyses inspirées de Marx dialoguent avec toutes les personnes qui créent des connaissances dans des optiques rationnelles, pour que le progrès, savant et social, redevienne la boussole.
Le titre du texte alternatif ” Urgence de communisme ” est trompeur , c’est comme un faux tableau .