A la veille du lancement du 39e congrès, revenons sur les objectifs que s’étaient fixés les communistes au précédent pour mesurer le chemin parcouru, tant les avancées prometteuses que les limites à dépasser.
La feuille de route du 38e congrès était claire : Conjurer le risque d’effacement
« Avec notre 38 congrès, nous voulons donner de la force à cette ambition communiste qu’appelle notre époque; nous voulons donner un nouvel élan à notre organisation révolutionnaire… Nous voulons conjurer le risque d’effacement… »
Le pronostic vital était engagé. Et les communistes, en grande majorité, se sont mobilisés pour relever ce défi à l’occasion de l’élection présidentielle. Ils ont dû vaincre tous les obstacles, toutes les pressions internes comme extérieures, saisir cette occasion pour mettre en débat le projet communiste et ses idées à l’échelle du pays avec un candidat. Ainsi 72 % des adhérents votant ont soutenu le choix d’une candidature communiste et celle de Fabien Roussel par 82 % .
La campagne a permis de regagner une visibilité nationale, le mur des médias a pu être franchi, le PCF est revenu dans le jeu. Les communistes ont repris confiance et se sont mobilisés, avec Fabien Roussel, pour mener la campagne.
Certes, 15 ans sans candidat communiste, un vote «utile» très difficilement résistible, des limites dans l’appropriation collective du programme ainsi que dans notre organisation et, peut-être aussi une dynamique difficile à maintenir en fin de campagne n’ont pas permis d’atteindre le score espéré. Mais, malgré sa déception sur le score réalisé, la très grande majorité des communistes n’exprime aucun regret sur le choix stratégique car ils ont le sentiment que l’effacement du PCF présenté comme fatal a été écarté : Confirmant la maxime de Nelson Mandela « Cela semble toujours impossible, jusqu’à ce qu’on le fasse ». Il place le PCF dans une situation de construction.
I) Une nouvelle phase de la crise
Mieux dans leurs bottes les communistes vont devoir affronter la situation dans un contexte nouveau, celle d’une aggravation de la crise du capitalisme – baisse de l’espérance de vie dans 2 pays sur 3 dans le monde suite à la pandémie – et aux blocages pour y faire face, remontée de la pauvreté, risques de famine et régressions sociales, guerre en Europe, catastrophes climatiques, imminence d’une récession mondiale, contre-offensive patronale de grande envergure, crypto-fascismes en Europe confortant un pas fédéraliste de l’UE et une mise au pas de ses velléités possibles d’autonomie par l’oncle Sam, une fracturation du monde inédite depuis des décennies….
Cela doit mettre à l’ordre du jour du 39e congrès le défi de révolutionner une telle mondialisation, sa logique capitaliste pour faire reculer la domination des firmes multinationales, du dollar et des institutions à leur service, avec une monnaie commune mondiale, pour avancer vers un monde de coopération, de partage et de développement des biens communs et publics, de l’emploi pour toute l’humanité. Une autre mondialisation se fera aussi inséparablement dans les batailles sociétales, touchant aujourd’hui toute l’humanité, pour la préservation de la planète et de la paix ou pour l’émancipation de toutes les dominations, pour une tout autre culture, de paix et de partage. Les communistes devront travailler à la convergence de ces luttes au lieu de leurs cloisonnements mortifères.
De même, à 2 ans de l’élection européenne et alors que l’Union Européenne se déchire, les communistes et les forces progressistes du continent doivent ouvrir de nouvelles perspectives pour une refondation de l’Europe et de ses institutions, avec une UE de coopération et une BCE au service du développement humain. Les luttes actuelles sur les salaires, la précarité, le climat constituent un terreau favorable pour des initiatives du PCF en ce sens.
Redonner des repères.
En France, tous ces facteurs de tension extrême, les échecs des solutions libérales et social-libérales ont aussi conduit à une crise de régime. Ce contexte semble encourager les forces du capital à oser la politique du pire : une banalisation de l’extrême droite pour aller vers une révolution conservatrice.
Conjurer une telle perspective appelle à redonner des repères de classe face à une crise qui peut provoquer à tout moment un effondrement de civilisation.
Les divergences à gauche sur le travail et l’emploi, sur l’énergie, sur le rôle des entreprises ou celui de l’État montrent le besoin de débats approfondis et de la contribution du PCF à la reconstruction de tels repères et à une refondation de la gauche sur d’autres bases.
Le projet communiste propose un changement de priorité : viser non pas l’accumulation de profits mais le partage et le développement des femmes et des hommes, ce qui signifie des objectifs de progrès sociaux, écologiques, féministes et rechercher une cohérence entre ces objectifs, et la conquête de nouveaux pouvoirs de décision sur l’utilisation de l’argent (profits, crédits, et fonds publics) contre le capital. C’est un projet de société qui assure à chacune et chacun une nouvelle liberté, un emploi ou une formation avec un bon revenu et des passages de l’un à l’autre maîtrisé par les intéressés et qui vise l’éradication du chômage, l’émancipation de chacune et chacun contre les assignations et enfermements. Un projet qui porte une ambition d’avancée fondamentale de civilisation en utilisant les progrès de la productivité générés par la révolution informationnelle pour réduire la durée passée au travail et pour, avec l’essor de la formation et la conquête de nouveaux droits pour les salariés, en changer son contenu. Un projet pour assurer à tous les moments de la vie la promotion des activités sociales libres d’épanouissement et de créativité.
L’appropriation par les communistes et au-delà par notre peuple de cette cohérence va demander beaucoup d’efforts. Cela passera par de la formation à tous les niveaux organisant le va et vient avec le « terrain ». Un développement nouveau de l’activité vers les entreprises et dans la cité pour le soutien des luttes revendicatives, la conquête de nouveaux pouvoirs des salariés et des populations avec de nouvelles institutions décentralisées pour combattre la domination du capital. Ces batailles et ces expériences de terrain permettraient de ressourcer l’intervention politique et de faire reculer l’illusion social-démocrate sur la capacité de l’État de corriger les maux du capitalisme sans remettre en cause ses fondements et sa logique.
Répondre à l’urgence
Pour répondre à l’urgence et conjurer l’épisode de crise aiguë et la récession violente qui vient, le PCF doit engager des campagnes qui se saisissent des grandes questions sociales et sociétales de la période (travail et emploi, salaires et profit, retraite, services publics, souveraineté énergétique et climat, et paix). Pour chacune d’elles, il s’agit d’avancer des propositions positives comme par exemple, pour les services publics de santé, celle de pré-recrutements de personnels, avec une formation rémunérée et un engagement dans la durée pour les hôpitaux, pour offrir un débouché concret aux mobilisations des personnels et des usagers.
Elles permettront de résister aux orientations dominantes, de renforcer l’unité politique du monde du travail et des catégories populaires. Elles feront progresser la conscience de classe. S’inscrivant dans une logique fondée sur le développement des capacités humaines par la réduction des coûts du capital elles permettront de rendre plus concrètes la radicalité et la cohérence du projet communiste et donc sa réalisation.
Le congrès serait aussi l’occasion de revoir la conception et l’organisation de ces campagnes. Un va-et-vient serait nécessaire entre les luttes, les rassemblements et les expérimentations d’un côté et les avancées et les propositions sur les questions de fond, d’un autre côté, avec des moments d’évaluation périodiques, des bilans des luttes, des rassemblements, des élections, des propositions. Le niveau régional pourrait coordonner ces nouvelles pratiques à développer dans les entreprises et les services publics.
II) L’enjeu de nouveaux statuts
De telles ambitions impliquent de nouvelles pratiques, une nouvelle organisation, une culture nouvelle. Il ne s’agit pas seulement de faire accéder les communistes à la culture marxiste et à ses développements récents, aux idées et propositions nouvelles pour les luttes, mais de leur permettre d’intervenir eux-mêmes sur l’élaboration des avancées et des propositions.
Il faut des statuts pour armer les communistes et favoriser leur créativité.
Cela exige :
- Une réévaluation des outils existants : publications communistes (livres, Revues, journaux, vidéos et autres nouveaux moyens de communication),
- Une redéfinition du rôle et de la responsabilité des directions à tous les niveaux,
- Un apport exigeant et la coordination des secteurs de travail nationaux du Conseil National, des groupes de travail thématiques dans les départements, de l’éducation populaire,
- L’organisation d’un réseau de stages de formation dans tout le pays, de publications systématiques, de productions audiovisuelles
- Favoriser dans le PCF les interventions et la démocratie participative à tous les niveaux jusqu’à chacune et chacun pour promouvoir un projet et une démarche autogestionnaires.
- Renforcer nos liens avec nos partenaires en Europe et dans le monde (Partis communistes, PGE, forces progressistes), avec les militants politiques et sociaux des autres pays pour de nouvelles relations entre l’Union européenne et les pays sous-développés ou les émergents.
Pour relever l’importance de la contribution du PCF aux exigences originales de la France et à son apport universel, il s’agit de passer de sa nouvelle visibilité à une utilité nouvelle.
Alain Morin
Cellule de Vigneux – section du Val d’Yerres / Val de Seine – Essonne
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