Conseil National

Interventions devant le Conseil National du PCF des 17 & 18 septembre 2022 – Denis Durand – Jean Marc Durand – Amar Bellal – Evelyne Ternant – Pascal Joly – Frédéric boccara

• Ordre du jour : La situation politique en cette rentrée, les initiatives du PCF au second semestre, les objectifs du 39e Congrès du PCF d’avril 2023 et la mise en place de plusieurs commissions du Congrès (transparence, texte et statuts).

Conseil national du 17 septembre 2022

1) Intervention de Denis Durand

Pour reprendre la main dans les dernières batailles médiatiques, Fabien a tout de suite été amené à mettre en avant l’originalité de notre projet de société : non pas le « plein emploi » dont se réclament aussi bien Emmanuel Macron que Jean-Luc Mélenchon, et qui suppose le maintien prétendu inévitable d’une armée de réserve de chômeurs, mais un fonctionnement radicalement nouveau de toute la société pour rendre possible l’éradication du chômage, c’est-à-dire l’abolition du salariat puisque l’un ne va pas sans l’autre. Plus précisément, pour engager le dépassement du marché du travail capitaliste – ce marché qui fonctionne de plus en plus mal, comme le montre la coexistence du chômage de masse et d’un nombre record de postes à pouvoir.

Cela suppose une bataille persévérante pour prendre le pouvoir au capital partout où il s’exerce, jusque dans les entreprises et dans le système bancaire. Pour que l’utilisation de l’argent, les choix d’investissement, d’embauche, de formation, de recherche visent le développement des êtres humains et non le taux de profit maximum pour les actionnaires et les financiers. Pour une autre utilisation de l’argent public, mais comme levier pour imposer une autre utilisation de l’argent privé, des profits des entreprises et des crédits bancaires.

C’est précisément parce qu’il avait pour premier impératif de créer 5 millions d’emplois et d’ouvrir à toutes et tous un accès massif à des formations – rien à voir avec le CPF, il s’agit de passer beaucoup de temps à apprendre, à développer ses capacités dans des domaines librement choisis – que notre programme pour l’élection présidentielle donnait au pays les moyens de créer beaucoup plus de richesses, et donc d’augmenter les salaires, de financer la retraite à 60 ans, y compris pour ceux qui ont fait des études au-delà de 20 ans, de réparer et de développer sur de nouvelles bases nos services publics.

Cet impératif de sécurisation de l’emploi et de la formation va nous sauter à la figure avec la récession qui arrive. L’inflation aura fait baisser le niveau de vie en France en 2022 et elle flambe encore plus dans le reste du monde. Donc les deux moteurs de l’activité – la consommation et le commerce extérieur – sont en train de s’arrêter. C’est le moment que les banques centrales choisissent délibérément pour donner un coup de massue supplémentaire en durcissant leur politique monétaire dans le but de protéger les patrimoines financiers de l’inflation. Elles entraînent le monde dans des voies dont elles ne savent même pas elles-mêmes si elles déboucheront ou non sur une catastrophe.

Faisons face : nous pourrions décider aujourd’hui d’engager sans attendre le travail, la formation collective pour faire de la sécurisation de l’emploi et de la formation l’objet d’une campagne politique organisée.

Nous défendons le travail, et nous avons raison, mais soyons précis : le contraire du chômage ce n’est pas le travail, c’est l’emploi, et la formation. Mais émanciper les êtres humains d’un système qui les considère comme des forces de travail transformées en marchandises, ce n’est pas seulement de l’économie : c’est donner un nouveau sens au travail. C’est donner du temps et des moyens à chacune et à chacun de participer activement à la vie de la cité, à la vie syndicale et associative. C’est libérer la jeunesse aujourd’hui écrasée par la précarité et par la crise du système éducatif. Cela va de pair avec l’élimination complète du patriarcat. C’est aussi la condition d’une révolution écologique réussie.

Si on nous objecte : « mais c’est la révolution que vous voulez ! », nous pouvons répondre tranquillement : oui, nous sommes communistes.

D’autant plus tranquillement que les chocs qui vont assaillir nos concitoyens dans les mois qui viennent vont rendre encore plus nécessaire la mise en avant du projet communiste dans toutes ses dimensions, à la fois but et chemin pour y parvenir.

Faire entrer cette perspective dans le logiciel de la gauche, en dialogue et en confrontation avec les projets réformistes portés par les autres forces qui la composent, sera déterminant pour la réussite des mobilisations sociales des prochaines semaines. 

Ce sera tout aussi déterminant sur le terrain parlementaire et sur le terrain électoral. De ce point de vue, les élections européennes de 2024 seront d’une importance capitale. Les élections européennes ne sont pas seulement le moment, une fois tous les cinq ans, où on parle d’Europe – l’Europe est en permanence dans l’actualité. Élections à la proportionnelle intégrale, où l’attention est moins focalisée sur la personnalité des candidats que dans l’élection présidentielle ou dans les élections locales, c’est aussi un moment privilégié de confrontation des projets de société. Ne pas présenter une liste qui serait porteuse de notre projet de société serait donc suicidaire pour le PCF et pour la gauche tout entière. Face à un Rassemblement national conquérant, elle se trouverait en effet aussi démunie qu’au printemps dernier pour mobiliser ces millions de chômeurs, de salariés, de jeunes et d’étudiants qui se sont massivement abstenus aux dernières législatives. C’est donc dès maintenant qu’il faut préparer ces élections, mettre en avant le projet, mettre en scène notre positionnement de campagne, préparer les candidatures.

2) Intervention de Jean-Marc Durand

La controverse, le débat nés des déclarations de Fabien Roussel à propos du travail et des allocations nous ouvre un très important champ pour remettre la Sécurité d’Emploi ou de Formation au centre de l’actualité, dans le parti et aussi dans tout le pays. Cela pour engager un changement profond de politique : contre Macron, depuis son projet de réforme de l’assurance chômage et de l’attribution du RSA, jusqu’à des conquêtes pour la formation, des emplois nouveaux -de vrais emplois-, vers l’éradication du chômage et des pouvoirs d’intervention dans les gestions.

Face à la crise qui se développe multiforme, profonde : climatique, sociale, économique, environnementale, financière, énergétique, il y a besoin de réponses qui font système et c’est cela la force de la novation que porte notre parti avec son projet de SEF. Un projet qui est aussi un levier fort du rassemblement des salariés, des citoyens, des forces qui les représentent car un objet central du débat de classe et du débat à gauche entre les courants réformiste et révolutionnaire.

Une autre question est centrale, c’est celle de l’énergie ; son prix avec l’accès notamment à l’électricité. Tout le monde est concerné : citoyens, entreprises, collectivités locales. Je partage l’idée d’une campagne énergie-inflation-climat. Cette question fait aussi profondément système et elle fait également partie des chantiers de la SEF car l’énergie c’est comment on la produit, qui la produit, qui la gère… l’enjeu de l’emploi, de la formation, des qualifications, de la nature et de la finalité des investissements.

Et nous devons voir également comment tout cela est au cœur du débat qui s’ouvre sur le Projet de Loi de Finances pour 2023. Poursuite de la politique des petits chèques cadeaux, en fait de l’impôt négatif ou réforme fiscale en profondeur mettant la fiscalité des entreprises et du capital au cœur d’une véritable révolution fiscale avec pour but d’inciter à investir et à produire autrement.

Cela me conduit à la question des liens du parti aux luttes et à la construction du rassemblement transformateur. Pour l’heure, renforçons les mobilisations syndicales annoncées des 22 et 29 septembre. Nous devons en être sans réserve. Comme nous devons être de tout ce qui participe à faire monter les niveaux de conscience et de mobilisation. C’est dans cet esprit qu’il nous faut aborder la proposition du 16 octobre de marche contre la vie chère et le réchauffement climatique. Mais procédons par ordre, ne donnons pas l’impression d’enjamber les mobilisations syndicales. Il nous faut d’abord les réussir et ensuite voir avec les organisations syndicales, comme elles le demandent, lors d’une rencontre prévue le 4 octobre comment faire grandir et renforcer ensemble le mouvement. Et cela, en plaçant le plus possible tout cette construction sous la « direction » des salariés et des citoyens qui ont au moins autant que n’importe qui d’autre, leur mot à dire sur le comment et le pourquoi du rassemblement.

Autant de questions qui nous conduisent très directement à la préparation de notre 39ème congrès. Un congrès qui devra être un temps fort d’affirmation, d’approfondissement et de renforcement des orientations du 38ème.

Mais un congrès qui devra surtout savoir être l’occasion, et la révision de nos statuts devrait nous en fournir l’occasion, de mener une réflexion, un travail sur le rôle et la place de nos directions à tous les niveaux, sur les formes d’implication des adhérents.es pour une nouvelle vie démocratique de notre parti. Bref, nous avons de ce point de vue un effort considérable à réaliser. Il s’agit là encore d’une novation à accomplir qui s’apparente à une révolution de nos modes de vie et de fonctionnement, une révolution dont dépend d’ailleurs pour une part non négligeable celle qui devra nécessairement intervenir dans toute la société.

3) Intervention d’Amar Bellal

Mon intervention à la séance du CN du PCF de ce WE (17-18 septembre 2022)

Elle fera l’objet d’une large diffusion par mail comme de coutume, donc avec un statut quasi public, et cela intéressera en premier lieu les membres du PCF mais aussi plus largement à gauche

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Sur le rassemblement

Il y a différentes approches et conceptions du rassemblement

Par exemple, lors de la fête de l’Humanité, il y a eu un événement politique, le rassemblement de plusieurs dizaines de personnalités du monde scientifique, du monde du travail et de la défense de l’écologie, lors de la soirée repas de la revue Progressistes du jeudi soir. Pourquoi des membres de l’Académies des sciences, des directeurs de recherche, des dirigeants syndicaux, des acteurs des luttes, des citoyens engagés dans la défense de l’environnement viennent ainsi marquer leur soutien ? Parce qu ils se retrouvent dans la démarche de la revue, de son contenu… c’est donc une autre conception du rassemblement que celle de la décréter par « le haut » : rassembler par les contenus, par ce que vivent les travailleurs de la science et des entreprises, par le réel, le défi du climat, du développement industriel, de la recherche etc…

Articuler science , travail et environnement

La revue Progressistes met en avant trois mots clé : science, travail et environnement. C’est tout l ‘enjeu du prochain congrès de montrer notre originalité à articuler ces 3 enjeux : ceux du monde du travail, de l’emploi, de l’industrie d’une part, avec les enjeux du développement des avancées scientifiques et techniques, ainsi que l’enjeu autour des grandes questions environnementales en premier lieu le défi climatique.

Or aujourd’hui, tout est fait pour les opposer !

Par exemple, on oppose le monde du travail, la production de richesses à l’environnement : la fameuse usine qui pollue mais sans laquelle nous devons importer des produits du bout du monde. Trop souvent on oppose le progrès scientifique et technique aux emplois : la robotisation qui mettrait au chômage les salariés. Ou encore on joue parfois la science contre l’environnement en faisant peur suite à des découvertes ou à de possibles nouvelles technologies qui menaceraient l’environnement.

Si il est facile d’opposer ces 3 enjeux, science, travail et environnement, c’est parce qu’aujourd’hui tout est piloté par le Capital au service des actionnaires, sans que les citoyens, les salariés aient vraiment leur mots à dire, sans qu’on mette en débat la finalité de la recherche scientifique.

Alors qu’au contraire il faut ARTICULER oui ARTICULER ces 3 grand sujets, et cela demande à ce que les salariés aient plus de pouvoirs dans les grandes décisions stratégiques dans les entreprises, dans les grands instituts de recherche, cela demande de financer sur d’autre critères le développement économique, notamment sur des critère sociaux et environnementaux. Si on ne fait pas ce travail d’articulation, les discours de la gauche prioriseront la décroissance, la culpabilisation des gens et la dénonciation du progrès scientifique et technique.

Si le congrès réussissait à faire émerger ne serait ce que cette idée, ce serait déjà un énorme acquis!

Refuser le populisme scientifique et climatique

Notre originalité c’est aussi le refus du populisme quelque soit sa forme, comme par exemple le populisme scientifique. Quand la gauche s’aventure dans le populisme, à la fin, le gagnant, c’est toujours l’extrême droite : il suffit de voire les ravages du populisme sanitaire aux Antilles qui porte la gauche très haut au 1er tour des présidentielles, mais cela fini par un vote massif pour Le Pen au 2eme tour ! A la fin, à ce jeu, c’est décidément toujours l’extrême droite qui gagne.

Mais il y a aussi une forme de populisme climatique : je déplore par exemple que dans toute la presse de gauche, l’Humanité compris, dans nos universités d’été, dans les grands débats de la fête de l’Humanité, ait été mis en avant l’idée que 67 milliardaires émettraient autant de CO2 que 30 millions de français et sous entendre derrière que cela solutionnerait 50% du problème : c’est absolument faux, et un peu de bon sens permet de comprendre que le chiffre est farfelu, c’est en réalité l’équivalent des émissions d’environ 100 000 français, ce qui est déjà suffisamment scandaleux pour le dénoncer, mais cela reste que l’épaisseur du crayon : le gros du problème est ailleurs. Dénoncer les milliardaires – et il faut le faire, il faut légiférer – ne suffit pas pour résoudre le climat… en effet, au delà du symbole, on ne parle ici que de 0,1% du problème.

Je pense que si cette idée se répand comme une trainée de poudre à gauche, dans tous nos rdv et discours, c’est parce que elle est commode et facile, cela traduit une paresse d’une partie de la gauche qui ne travaille pas assez ce sujet. La démagogie dans ce domaine permettra de se faire applaudir par une salle, ou frapper les esprits en donnant une solution toute trouvée, mais cela provoque aussi de gros dégâts durables : d’abord ceux qui connaissent le sujet penseront qu’on est complètement en retard et on se décrédibilise à leurs yeux, et d’autre part on se retrouve dans les débats et les formations sur les enjeux d’écologie en porte à faux avec des militants persuadés de la véracité de ce chiffre et de la solution toute trouvée, on perd alors du temps à leurs expliquer que ce qu’ils ont entendu est faux. Il faut vraiment sortir de ce populisme climatique, travailler le sujet et faire comprendre la difficulté du problème et donner une image sérieuse de nous.

Climat : travailler sur l’atténuation ET l’adaptation

Je propose que nous travaillions à des scénarios climatiques pour la France, en travaillant avec les commissions concernés (les commissions écologie, énergie, économique, transport, logement, agriculture…) : c’est un sujet qui va grandissant , et il faut répondre à la fois sur le sujet de l’atténuation mais aussi ne pas oublier comme on le fait trop souvent les mesures d’adaptation. En effet l’atténuation, la baisse de nos émissions surtout, aura des effets vers 2040-50, il faut donc le faire, mais le réchauffement est déjà là, et dans l’immédiat il s’agit de prendre des mesures fortes d’adaptation. La revue Progressistes pourrait jouer ce rôle de coordination et d’élaboration de tels scénarios avec les commissions concernées et son réseau de scientifiques, elle a déjà produit plusieurs dossiers conséquents sur ce sujet..

Energie nucléaire et renouvelable

Et de même que nous avons tenu bon sur nos arguments autour du nucléaire civil et su refuser l’instrumentalisation facile des peurs, il faut répéter que nous aurons besoin d’un développement des énergies renouvelables, je pense par exemple aux parcs éoliens offshore. Biensur ces parcs doivent être développés sous maitrise public et non pour engraisser le privé et servir de cheval de Troie pour démanteler et affaiblir EDF. Mais il faut les construire, et expliquer pourquoi c’est nécessaire : en effet nous devons dès maintenant augmenter notre production d’électricité bas carbone si on veut respecter les trajectoires de baisse des émissions de CO2 et s’affranchir des énergies fossiles. Or les premiers réacteurs qui vont être construits à Penly seront finis et disponibles au plus tôt en 2035 (premier béton prévu autour de 2027 à Penly). On ne peut pas attendre 2035, et seul les énergies renouvelables peuvent nous permettre d’augmenter rapidement dans les prochaines années notre production d’électricité bas carbone. Il faut dire aussi que nous payons aujourd’hui durement des décennies de campagne antinucléaire qui on freiné et même arrêté son développement, et il est vrai qu’on aurait pu faire autrement avec plus d’anticipation et de responsabilité politique sur cette filière. Mais aujourd’hui nous n avons pas d’autre choix que de soutenir ces ENR, et il faut faire ce travail d’explication auprès des citoyens au vu des nuisances et inquiétude que cela provoque sur le littoral. Nous avons refusé la démagogie pour le nucléaire civil, sachons aussi la refuser pour les énergies renouvelables et soutenir cette filière. (notons que les opposants aux parcs éoliens les plus actifs sont aussi des antinucléaires : c’est un retour de boomerang, et ils découvrent qu ‘il y a aussi des contraintes et nuisance pour le renouvelable … )

Fête de l’Humanité

Un mot sur la fête de l’humanité : magnifique succès, en grande partie due aux militants bénévoles qui font vivre cette fête mais aussi aux organisateurs et l’équipe du journal. Mais attention à ce qu’on ne donne pas l’image d’un simple festival de musique : on y annonce certes les principaux débats politiques, ceux de l’agora, du forum social et du village du livre etc , mais il serait bon pour la prochaine édition de trouver les moyens d’annoncer aussi les nombreux autres débats organisés par les sections, fédérations, le stand du conseil national du PCF, pour tout simplement contribuer à leur succès et montrer toute la richesse politique de cette fête…. Une page annonçant ces 100 à 200 débats pourrait être dédiée sur le site internet de la fête, et même une double page papier avec de petits caractères dans l Humanité quotidienne ou hebdo. Cela donnerait une dimension politique encore plus forte à la fête. Songeons y pour l’édition 2023, c’est une proposition et une idée que je verse au débat. (on me signale que les débats on été en fait annoncés mais qu’il faudrait en effet améliorer la visibilité)

4) Intervention d’Evelyne Ternant

Il est urgent de clarifier ce que nous entendons faire avec  la NUPES, d’abord entre nous,  ensuite avec les partenaires, si nous ne voulons pas être sans cesse sous la pression des initiatives de LFI, à devoir réagir au cas par cas, avec de plus des réponses contradictoires comme c’est le cas actuellement dans les réunions locales de la NUPES, où certaines sections et fédérations de notre parti participent, d’autres refusent, d’autres encore observent.


            Aucun communiste n’a d’illusion sur le projet de Jean-Luc Mélenchon:  faire de la NUPES un cadre d’intégration des forces de gauche,  sous domination des Insoumis et de leur chef, transformer les partis en courants de pensée internes à une «fédération commune» effacer la diversité, avec pour première cible le parti communiste.
            Pour autant, faudrait-il, sous la crainte de ce projet qui n’est pas le nôtre, tourner le dos à un rassemblement qui :

            -a sorti la gauche française  d’une trajectoire à l’italienne de  marginalisation politique à l’assemblée nationale,

            -a redonné de l’espoir à une partie de l’électorat,

            -et s’avère indispensable dans la construction du rapport de force face aux nouvelles destructions sociales du 2ème mandat de Macron et la puissance de l’extrême-droitisation en France et en Europe.


            Le débat public de ces derniers jours sur le travail, après celui  de l’énergie, est en train de dissiper l’illusion d’une gauche réunie par une pensée unique et guidée par la parole de  Mélenchon. Nous sommes en train de faire émerger une conception du rassemblement  qui n’esquive pas la confrontation des idées, y compris sur les fondements de l’émancipation humaine, nous sommes en train de faire vivre une conception pluraliste du rassemblement.


            C’est un chemin nécessaire, c’est aussi un chemin escarpé, qui nous oblige à deux égards: celui de nos propres contenus, celui du rassemblement:

            1-sur le fond, aller au bout de notre projet de société, qui avec la Sécurité d’Emploi ou de Formation (SEF) , n’est pas seulement une protection contre le chômage, mais une émancipation des rapports d’exploitation. Elle  offre une liberté  sans précédents des choix de vie individuels, alors que les partisans du Revenu Universel, tels Sandrine Rousseau, font croire que nous voulons asservir les vies à l’exclusivité du travail. Nous avons encore un grand effort collectif à fournir  pour valoriser pleinement le potentiel transformateur et révolutionnaire de la SEF.

            2-sur le rassemblement et  la NUPES.  Il est impératif que nous soyons  très vite à l’initiative avec des propositions publiques sur notre propre conception du rassemblement, dans la NUPES, et au delà. Sans une telle intervention politique,  au moment où localement, nombre de communistes expriment des réserves légitimes sur les convocations  unilatérales d’AG  NUPES de circonscriptions par les députés ou candidats LFI, nous prendrions  le risque d’être rendus responsables  de l’implosion de la NUPES, dont certains titres de presse prédisent qu’elle « ne passera peut-être pas l’hiver». Si nous étions perçus dans l’opinion  pour avoir seulement passé un accord électoral de sauvetage de notre groupe, sans la moindre volonté de construire une alternative à gauche, la sanction politique ultérieure serait à mon avis lourde, très lourde !


            Il nous incombe de mener la réflexion sur notre propre conception du fonctionnement de la NUPES, élaborer une ligne politique claire sur le sujet, aboutissant peut-être  à une résolution du CN, qui réduise le risque d’attitudes désordonnées et contradictoires entre les organisations du parti.           
            Les points à travailler me semblent être les suivants :

1-Ne pas laisser le champ libre à LFI pour structurer localement la NUPES à sa guise. La configuration actuelle, où nous validons l’existence de la NUPES par un comité de coordination au sommet et redoutons, en réalité, de nous impliquer à la base, est la plus mauvaise qui soit : elle reproduit les erreurs du passé, le cantonnement à des accords de sommet, et bloque les possibilités de construction d’un mouvement populaire à la base, réunissant les forces politiques, syndicales et associatives et attractif pour les citoyens, ce qui est pourtant est au cœur de notre stratégie.
            Cela implique des règles strictes sur l’utilisation du label NUPES, sur la convocation et l’organisation des AG locales, sur les  décision d’actions, qui doivent être co-construites et requérir l’accord des organisations fondatrices pour être validées.
            Mais cela implique aussi de notre part des propositions positives, alternatives, d’actions communes, de  réunions, sans doute à une autre échelle que la circonscription, dont la visée électoraliste de graver dans le marbre et reconduire le rapport de force 400 contre 50 est évidente.


2-Participer aux  espaces de la NUPES ouverts au monde associatif, tels que le parlement, les parlements locaux ou les agoras pour en faire des lieux de débats publics, de confrontation, de mise sur la table du programme actuel de la NUPES, qui  est un point de départ, pas un point d’arrivée.

Il ne s’agit évidemment pas d’y consacrer toute notre énergie militante, car nous avons besoin de déployer une activité autonome intense et de soigner le fonctionnement de notre organisation pour renforcer le parti, gage de solidité du rassemblement.


            Ne soyons donc pas frileux sur notre rapport à la NUPES, mais exigeants et à l’initiative. Nous avons à notre actif un projet de société et le  programme des  « Jours Heureux»,  Notre  secrétaire national  est  identifié Nous pouvons avoir confiance en nous, en notre capacité d’influence à gauche sur les réponses politiques à apporter à la crise multiforme que nous traversons  comme sur la stratégie de rassemblement.

5) Intervention de Pascal Joly

Une chose fait consensus dans ce CN : nous voulons mettre Macron en échec et construire une alternative politique. Mais nous divergeons sur la stratégie à adopter, notamment pour les prochaines échéances qui viennent, les 22 et 29 septembre et le 16 octobre. Pour moi la question n’est pas de savoir si nous devons participer au 16, mais quelle est la manière la plus efficace pour favoriser un mouvement social d’ampleur ? Le temps est un facteur politique. Je considère qu’annoncer dès maintenant notre participation au 16, en enjambant les mobilisations syndicales serait un handicap lourd pour travailler au rassemblement le plus large en perspective de cette journée. Soyons le parti qui respecte les décisions des organisations syndicales. Sans vouloir caporaliser ou remplacer ces organisations comme le font ceux qui ont déjà annoncé leur participation. Nous devons aider à construire de grandes journées de mobilisation les 22 et 29 à l’appel des organisations syndicales sans nous précipiter pour annoncer notre participation au 16 octobre. Une mobilisation de grève et de manifestations les 22 et 29 septembre, sera incontestablement un socle solide pour construire un 16 octobre qui marque le paysage politique et social. Tenons compte de la méfiance, voire de la défiance qui règne encore dans les organisations syndicales, à l’égard de la politique, et par ricochet, vis-à-vis des partis politiques. Ne pas en tenir compte, c’est hypothéquer toute possibilité du rassemblement le plus large pour le 16. Car cette question est encore devant nous. L’annonce récente de LFI, du PS et de EELV ne nous aide pas à réussir ce rassemblement qui peut nous permettre de battre Macron, qui risque d’être prise, non pas comme une initiative complémentaire mais concurrente. À aider le mouvement syndical a percevoir la politique comme une possibilité de traduction concrete aux revendications et exigences sociales. Enfin, une décision précipitée de notre part handicaperait la possibilité d’un élargissement syndical pour les journées des 22 et 29 compte tenu de ce que j’ai dit plus haut concernant la méfiance. Le PCF ne doit pas prendre cette responsabilité. Nous devons travailler dans la durée et le meilleur moyen d’y arriver est de remettre de la politique dans l’entreprise. Avec l’objectif de faire grandir la conscience de classe chez les salariés.

6) Intervention de Frédéric Boccara

1- L’état d’esprit dans le pays est fait d’inquiétude et de colère. Nous ne devons pas en être inquiet mais travailler les mobilisations, les idées et les perspectives. Il est fait aussi d’interrogations, de recherche sur le « comment fait-on », avec des questionnements pour dépasser l’électoralisme. C’est en tout cas ce que j’ai perçu dans cette fête de l’Huma si réussie.

2- A commencé à monter dans le pays un débat sur « les moyens » financiers. La taxation des « sur-profits » a été brandie par Jean-Luc Mélenchon et par Olivier Faure … mais aussi par E. Borne ! Cela devrait nous faire réfléchir… Bien sûr on ne va pas refuser de les taxer. Mais d’abord il faut taxer l’ensemble des profits. Et, surtout, il faut agir en amont sur ce que font les entreprises, leur gestion, leurs décisions. On ne peut pas les laisser polluer, licencier, délocaliser, comprimer les salaires, précariser, fragiliser les conditions de travail, etc. et les laisser s’en tirer par une simple taxation en aval, de leurs sur-profits. Il y a là un débat que nous pouvons faire monter.

Ce débat sur les moyens, E. Macron le travaille à sa façon, avec ses deux réformes très graves : retraites et chômage. La réforme des retraites ce serait prétend-il pour financer « notre modèle social » et celle du chômage pour tordre le bras aux chômeurs en leur faisant porter la responsabilité du chômage et des difficultés économiques. C’est-à-dire encore une fois, comme l’a dit Fabien dans son rapport, cacher le rôle des entreprises dans le chômage et même dans la conjoncture.

Précisément, la responsabilité des entreprises et du capital est considérable, et donc celle de l’Etat et des institutions politiques pour agir tout autrement sur les entreprises et sur les banques. D’autant plus que la domination du capital va de nos jours à l’encontre de toute la société pas seulement des travailleurs ou du monde du travail.

3- C’est dire le grand enjeu double du travail ― décisif comme apport à la société, à la production de richesses (y compris les services publics) ― et de la formation, immense exigence objective et subjective, d’émancipation humaine et d’efficacité.

C’est dans ce contexte que monte le débat sur le travail. Les droites veulent durcir pour les chômeurs, le monde du travail et cacher la responsabilité des entreprises, du grand patronat. Ils font en sorte que l’argent aille toujours plus aux profits, à l’accumulation, au capital. Ils opposent travail et emploi : E. Macron va créer « France travail », qui sonne comme une injonction « France, travaille ! ». Alors que du travail ceux qui ont un emploi en ont par-dessus la tête. En revanche l’emploi, ce sont les dispositifs qui encadrent le travail, c’est la façon de permettre le travail dans la société, c’est toute la dimension politique, voire civilisationnelle autour du travail et avec lui. Il faut donc porter le fer sur l’emploi, la création d’emplois, le type d’emploi, pour faire quoi, dans quelles conditions, etc. Le plein-emploi d’E. Macron s’accompagne toujours d’un certain niveau de chômage.

Face à cela, certains à gauche ont baissé les bras sur le chômage, proclamant depuis longtemps « la fin du travail », et s’en tiennent à un « revenu d’existence ». D’autres ont baissé les bras sur les entreprises et exigent une garantie d’emploi par l’Etat, qui embaucherait les chômeurs. C’est la position défendue dans le programme de la France insoumise. Mais la responsabilité des entreprises ? Mais l’immense besoin de formation ? Aussi bien pour les enseignants, les soignants, les aides à domicile, que pour les conducteurs de cars, les soudeurs, et même les ingénieurs ou les chercheurs. Il n’y aurait que le travail qui serait émancipateur.

Nous, il nous faut dépasser cela, sans jouer avec le feu, et ce n’est pas toujours simple. Nous voulons éradiquer le chômage et développer énormément la formation, pas seulement professionnelle mais aussi la formation pour se développer, la culture comme on dit, mais aussi le temps libéré, tout aussi bien durant la semaine ou l’année que tout au long de la vie, grand enjeu de civilisation dont la question de la retraite fait partie.

Dans ces batailles, d’idées et de luttes concrètes sur le travail et l’emploi, nous devons chercher à déboucher sur la question du rôle des entreprises et de l’utilisation de l’argent, avec une question : que fait la politique, que font les institutions, là-dessus ?

Mais, si le travail est incontournable dans notre conception émancipatrice, il fait malgré tout partie, comme le disait Marx, du domaine de la nécessité.

L’émancipation se fera en élargissant conjointement le domaine de la liberté, du hors-travail. L’émancipation, pour nous, ce n’est pas « tout le monde au travail et rien que le travail ». Notre projet de sécurité d’emploi ou de formation vise à organiser à la fois un droit effectif à l’emploi pour toutes et tous, un droit à la formation mais aussi une rotation, une mobilité de progrès, dans la sécurité entre les différentes activités, travail (rémunéré par un salaire), formation (assortie d’allocations étudiant, ou à hauteur du salaire), mais aussi les activités sociales libres comme la création culturelle, le sport, le jardinage, la découverte du monde ou encore la participation politique ou à la gestion, ou simplement la retraite. Ce qui renvoie en parallèle au besoin d’un progrès sans précédent des services publics, et de services publics d’un nouveau type.

Il nous faut voir cependant la grande nouveauté de la formation et son potentiel révolutionnaire, de luttes. Dépenser pour la formation (et pour les recherches) doit monter progressivement en régime pour devenir prédominant, par rapport aux dépenses d’investissement matériel. Pour désigner ce mix, investissement matériel, RD et formation j’ai proposé la notion de dépenses de développement. En même temps, la formation, ce n’est pas l’emploi. Mais nous ne voulons pas de la scission avec l’emploi qui existe actuellement, comme nous ne voulons pas une formation étroitement subordonnée aux besoins du capital ou même d’un emploi immédiat, ni même uniquement dans le cadre d’un contrat de travail. La formation peut être aussi une mobilité choisie. Mais appuyée par la société.

Nous voulons des politiques qui appuient énormément la formation, à tous les niveaux et à tous les âges, qui appuient les privés d’emploi, les familles… par des allocations nouvelles ! Nous sommes pour de nouvelles allocations : allocation d’étude comme nous l’avons porté durant la campagne, allocation de formation continue maintenue au même niveau que le salaire et qui prépare les transitions écologiques et productives, mais aussi allocations familiales ou allocations chômage musclées. Mais dans la perspective d’éradiquer le chômage. Nous sommes pour des allocations nouvelles qui n’enferment pas dans la dépendance mais ouvrent vers l’emploi et appuient les personnes. C’est tout l’opposé de la réforme portée par E. Macron et le Medef, appuyée par les droites, qui vise avant tout à tordre le bras aux chômeurs.

Nos gouvernants, imprégnés de leurs dogmes ultra-libéraux, ont deux soucis : (1) les profits des entreprises avant tout et (2) contraindre les chômeurs à prendre n’importe quel emploi, laissant croire qu’il suffit de « boucher des trous » de postes à occuper. Ils ne rendent même pas compte de cette crise, véritablement mondiale, du travail et de la formation, qu’expriment les pénuries d’emploi, elles aussi mondiales. Et ils travaillent la division entre catégories, à l’unisson de LR ou du RN qui dénoncent comme adversaire le voisin, chômeur ou prétendu assisté. Ils veulent porter cette division à incandescence.

Mais, comme les organisations syndicales, de la CGT à la CGC, en passant par la FSU ou Solidaires voire FO, ne nous en laissons pas compter.

Aller vers un nouveau système de « sécurité d’emploi ou de formation » est posé dans les faits par la vie. Ce serait une novation communiste profonde pour notre pays, qu’une gauche du 21ème siècle peut porter.

Il nous faut aider à hausser le niveau d’intervention et d’élaboration des communistes, ainsi que sa dimension collective. Je pense, comme le rapport le propose, qu’une campagne doit être organisée sur cette question, avec un collectif à désigner pour aider à le porter dans les différentes régions et fédérations.

***

Sur la marche proposée par Jean-Luc Mélenchon. On voit bien l’objectif que celui-ci poursuit. Dans le même temps, il y a besoin d’une initiative de masse. J’ai moi-même proposé une initiative nationale à notre CN de juillet dernier, mais avec notre conception, en alertant sur le fait que sinon il en prendrait l’initiative.

La démarche et le contenu de cette marche posent un certain nombre de questions. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à les poser. D’abord il y a un côté « grand soir », comme si cette manif allait tout changer, alors qu’il y a un processus de mobilisation sociale à développer dans le temps et en profondeur dans la société, ensuite il temps à couper société civile et monde du travail, et puis, elle est très protestataire, alors qu’il s’agit d’organiser le débat de solution et l’appropriation de solution, derrière un homme et un mouvement. D’autant plus, qu’enfin, bien sûr il faut des manifestations nationales, mais il faut aussi s’engager dans une démocratie nouvelle, une démocratie d’intervention citoyenne et salariale dans les différents lieux de décision, n’opposant pas mobilisation et gestion mais les combinant et faisant des gestions, des institutions publiques ou des entreprises, un enjeu de lutte.

Pour notre part, nous devons monter très fort la réussite des manifestations des 21 et 22 septembre… qui est loin d’être gagnée ! Nous voulons aussi développer la mobilisation d’idées, le débat de solutions et d’alternatives avec les gens. Dans ce cadre, nous voulons affirmer un certain nombre d’enjeux originaux, qui nous semblent indispensables pour la réussite d’une alternative, nous récusons donc l’idée d’une pensée unique à gauche.

Dans le même temps, nous voulons être avec celles et ceux qui luttent, affirmer et rendre visible une force populaire certes encore insuffisante, mais qui a besoin d’être confortée. C’est pourquoi, je pense qu’il faudra y être le 16, comme l’exprime aussi Fabien dans son rapport introductif. Mais à mon avis avec notre propre appel, nos slogans, notre banderole, rassemblant notamment tous les camarades de la région parisienne.

Mais à ce stade, il ne faut surtout pas qu’une échéance comme celle-ci chasse les échéances très importantes des 22 et 29 septembre. Et nous pourrions aussi affirmer d’autres échéances de mobilisation sous d’autres formes. Faisons tout, dans les semaines qui viennent, pour réussir les 22 et 29 septembre.

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