Intervention de Denis Durand au Conseil National du 25 septembre 2021
Fabien Roussel a eu l’occasion de souligner que ce qui distingue sa candidature de toutes les autres, c’est qu’elle vise à prendre le pouvoir sur les moyens de production, prendre le pouvoir sur l’économie – donc le prendre au capital. On le vérifie en comparant les différents programmes et, par exemple, en considérant celui du candidat en ce moment le plus en vue à gauche, Jean-Luc Mélenchon. Une constante de son discours – comme de toute la gauche réformiste dans l’état actuel des choses – est précisément le refus de mettre en cause le pouvoir patronal sur la gestion des entreprises.
Cela se traduit dans ses propositions de différentes façons :
- « nouveaux pouvoirs » des salarié·e·s limités à un droit de veto, sans pouvoir de contre- propositions, ni droit de tirage sur les crédits bancaires pour les financer ;
- projets « keynésiens » de relance de la demande, plan d’investissements pour la « transition écologiques » censés amener automatiquement le patronat à créer des emplois malgré son obsession de la baisse du coût du travail ;
- abandon des mesures de fiscalité des entreprises qui figuraient dans le programme du Front de gauche en 2012. Le programme fiscal de la France insoumise se résume essentiellement à une progressivité accrue de l’impôt sur le revenu, dans une perspective de « solidarité interclasses » ;
- poursuite de la fiscalisation du financement de la Sécurité sociale dans le prolongement de la CSG. Toutes les propositions salariales de la France insoumises sont exprimées en salaires nets, laissant la voie libre à la reprise par le patronat de la part des richesses encore aujourd’hui consacrées aux cotisations sociales. De la même façon, Jean-Luc Mélenchon ne formule pas de proposition précise pour une prise de pouvoir démocratique sur l’utilisation de l’argent des banques : – au lieu de la constitution d’un pôle financier public intégrant la nationalisation des grands réseaux bancaires privés, simple évocation vague d’une « socialisation des banques généralistes » ;
- discours ambigus sur l’euro, renvoyant toute bataille sur ce terrain à l’horizon lointain d’une modification des traités européens ou à une « sortie de l’euro » aujourd’hui dépourvue de toute crédibilité ;
- consécutivement, abandon de la bataille pour un fonds européen de développement des services publics financé par la BCE, qui figurait dans le programme du Front de gauche. Tout au plus est-il revendiqué une conversion des titres de dette publique possédés par la BCE en dette perpétuelle, au motif que cette proposition serait acceptable pour le capital.
Ce refus de principe de mettre en cause la domination du capital sur la production et sur son financement explique la relative timidité des propositions sociales, en matière salariale (SMIC, salaires des enseignants) et en matière d’emploi. Dans ce dernier domaine, l’objectif revendiqué par Jean-Luc Mélenchon n’est pas l’éradication du chômage mais seulement le « plein-emploi » c’est-à- dire l’équilibre du marché du travail capitaliste, qui suppose le maintien d’un pourcentage de chômeurs pouvant aller, en France, jusqu’à 9 % selon diverses estimations. La proposition d’un « État employeur en dernier ressort » revient à offrir aux chômeurs, en période de récession, des petits boulots temporaires, sans formation appropriée, sur fonds budgétaires (donc pour l’essentiel par prélèvement des revenus des salariés), sans aucune contribution des employeurs privés ni des banques. On mesure le contraste avec le projet révolutionnaire de construction d’un système de sécurité de l’emploi et de la formation associant :
- des objectifs allant des luttes immédiates pour l’emploi et les salaires jusqu’au dépassement du marché du travail ;
- les moyens de les réaliser par la bataille pour une nouvelle logique économique opposée à la rentabilité capitaliste ;
- et la construction d’institutions (un nouveau service public de l’emploi et de la formation, un pôle financier public…) concrétisant la conquête de pouvoirs sur l’utilisation de l’argent par les salariés et les citoyens.
Mettre en avant ce projet de façon offensive, en dialogue avec les autres réponses proposées à droite et à gauche, sera une grande force pour notre candidature. Le but n’est pas de cultiver nos différences avec les autres candidats mais d’apporter notre contribution originale à la régénération idéologique de la gauche pour qu’elle que surmonte sa faiblesse actuelle.
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