Crises, alternatives, actions

Rapport de la réunion du réseau « En avant le Manifeste » 30 juin 2021

J’aborderai successivement 4 sujets : le point sur la situation politique ; la situation économique et "morale" ; notre rôle et les objectifs du réseau ; le travail pratique devant nous.

J’aborderai successivement 4 sujets :

  1. le point sur la situation politique,
  2. La situation économique et « morale » ;
  3. Notre rôle et les objectifs du réseau ;
  4. Le travail pratique devant nous.

Notre réseau « En Avant le Manifeste » a été constitué à l’issue du 38ème congrès du PCF, sur la base d’une part du réseau ANR (Action-Novation-Révolution) constitué depuis 2003, me semble-t-il, pour porter la novation communiste dans le parti et stimuler la prise d’ini.tiative et les actions, sur la base d’autre part de la nouvelle situation créée par la victoire du texte que nous avons porté pour le 38ème congrès, et dont nous avons été les rédacteurs principaux.

A présent, une nouvelle étape s’ouvre avec la campagne présidentielle pour laquelle les communistes auront enfin un candidat issu de leurs rangs, un communiste, Fabien Roussel, décision pour laquelle nous n’avons pas ménagé notre peine.

Table des matières

I. La situation politique

1. Etat des lieux après les élections départementales et régionales

Les faits qui ressortent de ces élections sont :

  • l’abstention massive,
  • nous n’avons pas le duo annoncé Le Pen /Macron : cela ouvre les choses pour la suite, sans préjuger non plus des scores importants qui restent possible pour eux deux (j’y reviendrai)
  • LREM reçoit une forme de sanction, avec un échec électoral
  • La droite sort victorieuse
  • Le PS tient
  • EELV ne confirme pas, et se montre en grande difficulté pour créer une dynamique de rassemblement lorsqu’ils sont tête de liste. Aux départementales, ils apparaissent comme très diviseurs et jouant un jeu très « perso »
  • LFI est en grande difficulté, sauf en Ile de France, et ils nous font perdre des élus lorsque nous étions alliés dès le premier tour
  • Aux départementales nous gardons à peu près le même nombre de conseillers (158/159) et nous étendons le nombre de départements où nous sommes présents, ce qui témoigne d’un potentiel pour nos idées et notre parti. Mais nous perdons le présidence du département du Val de Marne, ce qui est un coup sévère, même s’il était en partie inscrit dans les résultats des municipales, un coup sévère d’abord pour les habitants du 94. Il faut aussi noter que le mode de scrutin, avec des binômes de candidat a pour conséquence que nos élus le sont parfois dans des conditions qui ne permettent pas la clarté de l bataille politique et d’idées, avec des alliances forcément très variables. Et dans un certain nombre d’endroits un parti abîmé notamment par des alliances, notamment avec LFI, qui créent fractures et divisions.

L’enjeu majeur est de faire de nos élus des points d’appui pour les luttes et pour l’avancée de nos idées.

Du point de vue du climat politique national, l’enseignement important est que ce scrutin ouvre, ou plutôt ré-ouvre, les choses pour les élections présidentielles :

  • La possibilité que Macron ne soit pas présent au second tour est envisageable… au bénéfice de la droite
  • Le PS se sent requinqué par rapport aux Verts (aux résultats peu rassembleurs et très décevants) et semble maintenant vouloir aller à la présidentielle avec son propre candidat.e
  • L’échec de LFI fragilise Jean-Luc Mélenchon et montre le potentiel de nos listes, mais la conciliation-soumission aux insoumis en Ile de France (notamment) montre la persistance du danger

Enfin, l’abstention est l’autre grand élément de ce scrutin. Elle se situe à un niveau historique, effarant ! Bien entendu, elle n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein, et déjà, sans même parler des municipales, le second tour de la présidentielle avait montré un taux d’abstention (et de blancs) élevé.

Nous sommes entrés dans une nouvelle phase de la crise de la démocratie représentative et de la crise des institutions, avec un double mouvement de rejet et d’hyper-délégation. Il va nous falloir analyser cela de façon plus serrée et réfléchir aux conséquences à en tirer.

Les gens ont eu tendance à dire « ça ne sert à rien de voter », « ça ne changera pas ». Ils l’ont dit pour les régionales, pas nécessairement pour les présidentielles. Tout est fait pour concentrer le pouvoir sur l’Etat et expliquer que la présidentielle serait la seule élection qui compte. Cependant, l’expérience d’un vote qui aboutit, même au niveau national, à la même politique continue à marquer les esprits. De ce point de vue, les séquelles de l’échec des trois expériences de gauche continuent à peser lourd, à commencer par celle de 1981-85 (puis 1997-2002 et le quinquennat Hollande) et alimentent le « tous pareils ». Et en outre, l’importance prise par les institutions européennes tend à donner l’impression d’une impossibilité de changement, même au niveau national.

Du point de vue institutionnel, un pas grave a été fait dans le sens d’un « nouveau régime » politique et économique, encore plus anti-démocratique. Nous avons commencé à l’analyser au sein du réseau « En Avant le Manifeste », mais il nous faut pousser encore l’analyse. Politiquement, dans ce nouveau régime le Président de la République décide, non seulement sans le Parlement (ce qui était malheureusement largement engagé depuis un certain temps), mais aussi sans le gouvernement ( !), avec un « Conseil de défense » qui ne rend compte qu’au Président et dont les débats se déroulent à huis clos, sans aucun compte-rendu. Economiquement, la création monétaire tend à devenir prédominante, via la BCE composante de l’exécutif européen, elle se compte en centaines de milliards, là où le budget s’ajuste péniblement de quelques dizaines de milliards, tandis que les contraintes institutionnelles qui pesaient sur l’endettement immédiat sont totalement levées, aucun critère n’est mis à l’utilisation de la plus grande partie de cet argent, ce qui renforce plus que jamais le monopole patronal, avec l’appui des Régions et des services de l’Etat.

Enfin, on pourrait avancer que dans ce nouveau régime, qui se cherche, la scission est très profondément creusée entre le « social » (dont l’économie, l’emploi, l’argent) et le « sociétal » (les valeurs, …)[1]En réalité, il s’agit d’une scission entre économie et anthroponomie : le second seul étant censé relever de la démocratie politique et d’un certain débat, tandis que les premiers relèveraient de la seule expertise technique, de techniciens appliquant les lois prétendues « naturelles » et indépassables du marché et de l’économie. C’est un peu l’antichambre de l’illibéralisme… Ainsi, la « morale » profonde du capitalisme, à savoir le taux de profit comme thermomètre et guide de l’action économique et de son efficacité ultime, est soigneusement tenue à l’écart des débats considéré comme « politique ». Cette morale, le taux de profit, ne constituerait pas un enjeu démocratique ! Pas un enjeu politique ! Mais accepter, cela c’est exactement entrer dans la logique néolibérale et capitaliste : la politique d’un côté, l’économie de l’autre, laissée essentiellement aux patrons.

Or les motivations anthroponomiques, et même le système de valeurs, sont fondamentales pour changer l’ensemble, y compris le social-économique.

Ainsi, le mouvement d’émancipation des femmes peut être un puissant moteur de transformations, aussi bien anthroponomiques (c’est évident) mais aussi économiques. En ce sens, l’intervention sur France Inter le 30 juin dernier de Cécile Maillefer était positivement étonnante. Cette représentante des mouvements féministes, face à la ministre Moreno et en contrepoint d’Hillary Clinton, dénonçait le fait qu’aucun critère d’utilisation de l’argent en faveur d’une politique féministe n’était mis aussi bien dans les projets du plan Castex que dans les interventions de la BCE ! Cela devrait nous donner confiance pour sortir de la timidité du parti sur cette question fondamentale de l’utilisation de l’argent , y compris la création monétaire, avec des critères précis, transparents, comme une question démocratique et de société fondamentale.

On doit de même considérer les revendications de la jeunesse, en tant que catégorie pour conquérir un statut « social » et économique ; les luttes contre le racisme et pour l’égalité effective des droits (et pouvoirs, pourrions-nous ajouter….) qui font descendre dans la rue souvent les mêmes que ceux en bute au chômage et à la précarité ; les luttes pour l’écologie et le climat, ou encore les mouvements d’usagers dans les différents services publics, à commencer par celui de la santé.

Ce n’est pas parce que nous avons eu une période du parti, avec Robert Hue (dans son deuxième temps) puis Marie-George Buffet, puis Pierre Laurent où le sociétal était valorisé au détriment du social qu’il nous faudrait faire l’inverse. Cette articulation social/sociétal est d’ailleurs un des points fondamentaux du 38ème congrès comme du socle d’idées de l’ANR, réseau qui a précédé notre réseau actuel « En avant le Manifeste ». Alimenter une coupure sociétal/social, même à l’envers de ce qui s’est fait avant le 38ème congrès, enfermerait les luttes et les stériliserait. Il s’agit au contraire de conjuguer et unifier pour converger, pour unir, à partir de motivations profondes, sans enfermer dans le « social » ou dans le travail.

Les trois bases fondamentales d’exigences émancipatrices à savoir les classes sociales, les genres et générations, l’immigration-cultures nationales peuvent être des bases pour mettre en cause la domination du capital et du libéralisme dans tous les domaines, pour mettre en lumière le rôle refoulé de l’entreprise, pour avancer vers une nouvelle éthique de partage et de développement de chacune et chacun dans ses apports créateurs. C’est à dire une émancipation des « deux vies » : en-travail et hors-travail.

La réponse à la crise démocratique, dont le massif « voter ne sert à rien » est un symptôme, est peut-être une sorte de confluent de tout cela : un nouveau régime se cherche. Il s’agirait, pour nous, de dépasser la démocratie représentative actuelle, en crise, et la séparation économie/social/politique en conquérant des nouveaux pouvoirs de démocratie directe et en créant de nouvelles institutions.

Cela concerne tout particulièrement la question de l’emploi et de l’utilisation de l’argent sur lesquelles les expériences de changement politique n’arrêtent pas de se fracasser, depuis au moins 1981. Elles renvoient au type de production, au sens de l’activité humaine et à la participation de toutes et tous aux activités sociales utiles.

C’est ce que nous pouvons porter avec notre proposition de conférences (ou assemblées) permanentes nationale et régionales sur l’emploi, la formation et la transformation productive écologique. Il s’agit d’une institution à la fois économique et politique, à partir d’exigences sociales. Elles s’ancreraient dans des assemblées locales, ou des comités de mobilisation existant, par exemple sur la santé et la démocratie sanitaire.

Pour mémoire,

  • elles réuniraient les travailleurs et leurs représentants, les populations, les services publics (de l’éducation nationale aux « impôts », en passant par pôle emploi, l’Insee et la Banque de France, etc.), les élus politiques, les organisations syndicales, les associations (de chômeurs, d’usagers, environnementales, …), les patrons, les représentants des banques (y compris pôle public bancaire).
  • Elles évalueraient les besoins d’emploi et de production (matérielles et services)
  • Sur cette base, des engagements de création d’emploi, de formation, de recherches, de financements et d’investissement seraient pris par les entreprises, les banques et l’Etat comme employeur
  • Un suivi serait organisé par cette conférence en lien avec des pouvoirs d’intervention et d’alerte des salariés dans les entreprises
  • Elles seraient appuyées
    • par un Fonds national et des Fonds régionaux de bonification du crédit bancaire, pour instaurer une nouvelle conditionnalité de progrès social (au lieu de la baisse du cout du travail)
    • et par des Nationalisations nouvelles de banques, de grands groupes industriels ou de services.

Ainsi, en s’appuyant à la fois sur les mobilisations existant (comités, …) et sur une bataille d’idées, il s’agit d’avancer vers une nouvelle démocratie, à tous les niveaux : local, régional, national, mais aussi au niveau européen et mondial. C’est une nouvelle conception de la République, de l’Europe et du monde.

Or, le dimanche soir du second tour des régionales à la télévision Jadot est intervenu pour porter l’idée de « conférences citoyennes », certes creuses, mais cherchant à répondre à l’enjeu. Alors que ce même soir sur les plateaux où nous avons pu (un peu) intervenir, nous n’avons rien dit de ces propositions, faisant pourtant partie intégrante de notre projet pour les régionales, à la suite du Conseil national de septembre dernier !

Du point de vue économique, le pouvoir distille l’optimisme. Or la crise va venir (de ce point de vue la décision du tribunal de commerce de fermer MBF est peut-être un tournant), mais il y a une sorte d’anesthésie ou de tétanie de l’opinion par les mesures de soutien aux revenus et par les mesures, coercitives, de couvre-feu.

Le cœur de notre bataille ce devrait être : l’emploi, l’émancipation, la démocratie (France et Europe), une autre organisation du monde. Les enjeux tus ou cachés par le pouvoir, qui prétend que ce ne sont pas des questions politiques, sont les entreprises et l’utilisation de l’argent, sur lesquels se joue la partie la plus directe de l’affrontement avec notre adversaire, le capital.

2. Abstention et clivage gauche/droite

En même temps que l’énorme abstention, il nous faut relever la remontée d’un certain clivage gauche/droite, ou plutôt la recherche d’un nouveau clivage gauche/droite par les électeurs et l’ensemble de nos concitoyens.

S’agit-il d’une demande de « nouvelle offre politique », comme le dit Pierre Laurent, entendant par-là, une nouvelle « structure » politique ?

S’agit-il, comme d’autres le soutiennent, d’une demande de « concret », tangible, simple, et proche des gens ?

Si on ne peut pas nier ces éléments, il me semble, mais c’est à débattre, qu’il s’agit surtout d’une demande de sens, de leviers et de cohérence. Notons que le sens a besoin de s’adosser à un élément positif, un « projet », mais aussi un élément négatif, un « adversaire » ou des obstacles de fond.

Monte l’exigence, en fait, de la refondation de la gauche et ceci sur un projet nouveau. Cela tombe bien, nous proposons la Sécurité d’emploi ou de formation, comme un véritable projet de société du 21ème siècle pour toute la gauche, au service de toute la société. Mais face aux facilités et aux conservatismes, il va falloir déployer des efforts considérables pour qu’il soit porté ainsi, et dans toute sa richesse.

Notons qu’avec ces élections, le remplacement du PS par les Verts n’est pas encore d’actualité. Bien au contraire, le PS se sent pousser des ailes. De l’autre côté, n’y a-t-il pas des éléments de dépassement possible du duo LREM/RN ? En tout cas, c’est ce qu’a exprimé la partie du corps électoral qui a voté. Mais bien sûr les présidentielles sont un autre type d’élection.

Il faut aussi relever, pour s’en inquiéter, la montée de LR, les véritables gagnants de ces régionales, sur une base très autoritaire et de « souci social ». Quelques éléments structurent ce début de doctrine : pas touche au monopole patronal, les questions de l’utilisation de l’argent des entreprises et des banques sont en-dehors de la politique, enfin le triptyque Austérité/Concurrence/Appui aux marchés financiers est affirmé. Cela débouche sur trois conclusions communes avec Macron : allongement de l’âge du départ à la retraite, réforme de l’assurance chômage pour plus de « flexibilité », sortir du quoiqu’il en coûte. Les différences, en fin de compte, portent surtout sur la méthode et le rythme.

Mais la gauche résiste. Elle fait 35% à ces élections régionales.

Un mot sur le PS, justement. Il est en crise profonde. Celle-ci s’est ouverte avec le référendum sur le TCE (traité constitutionnel européen) en 2005 faisant apparaître pour la première fois depuis très longtemps (1939, voire 1920 ?) une rupture profonde en son sein. C’est la crise du social-libéralisme (qui se voulait une réponse à la social-démocratie, sans le dire). Le parti a saisi l’opportunité de cette crise depuis 2007, notamment avec la création du Front de gauche et toute l’opération commune de MG Buffet et de JL Mélenchon. Elle a permis de s’adresser aux couches moyennes salariées et, surtout dans nos villes, aux couches populaires.

Puis l’opération Sarkoy a été à la fois une énorme opération de droitisation et de brouillage des repères de classe, par exemple avec son centrage sur le salaire direct et la France qui travaille. Elle a été facilitée par toute la dérive social-démocrate de JL Mélenchon, insistant sur la répartition et sur le clivage riches/pauvres, plutôt que sur le capital et les questions de classe. Et surtout, nous n’avons pas osé saisir pleinement l’opportunité de la crise financière pour monter très fort sur des propositions alternatives concernant le crédit, la BCE, les banques et les critères d’utilisation de l’argent des entreprises. Pourtant chaque fois que ces questions ont progressé, il y a eu progrès. Mais c’est un récit keynésien qui s’est progressivement instauré.

Nous avions tôt insisté, l’ANR, sur la dérive proprement « néolibérale » de Hollande, ce qui n’empêchait pas de porter le bras de fer jusque dans le PS dans une conception dynamique de l’unité. Je rappelle que nous avons défendu un amendement important en ce sens lors du congrès qui a précédé l’élection de Hollande, sur proposition de Paul (Boccara).

Puis s’est instauré une sorte de complémentarité Hollande/JL Mélenchon sur l’idée de « deux gauches irréconciliables ». Dès les dernières semaines de la campagne, JL Mélenchon déclare « nous n’irons jamais avec F. Hollande ». Là où nous, par ma voix au CN du Front de gauche, nous disions « nous pouvons y aller, mais à des conditions très dures : nous dirigeons la BPI, nous participons à toutes les négociations européennes, nous exigeons une loi pour empêcher les licenciements ».

Il y a eu une forme de stérilisation de la protestation, renforcée par l’attentisme de la direction Pierre Laurent notamment sur la crise européenne et la question majeure du rôle de la BCE en ne portant pas de bataille sur les alternatives. Puis, l’affaire du CICE, où là aussi nous n’avons pas cherché à porter de bataille sur l’alternative, à rivaliser sur l’efficacité au service d’une tout autre conception des entreprises et de la production.

Les couches moyennes supérieures sont de plus en plus allées vers le néo-libéralisme, tandis que les couches moyennes et populaires en étaient coupées, dans la sidération vis-à-vis du PS, dans l’abstention, ou dans le vote protestataire (y compris Le Pen).

La présidentielle de 2017 a donné lieu à une OPA de Macron sur les couches moyennes vers les couches ultra-supérieures, par un représentant du grand capital bancaire et financier, utilisant notamment une image de modernité et le discrédit du PS. Dans le même mouvement, on a eu une hyper-stérilisation de la protestation dans les votes Le Pen et Mélenchon. Et quand même déjà, l’abstention a été massive au second tour, exprimant le début d’une nouvelle phase de crise politique et démocratique.

A présent, une forme d’impasse politique et institutionnelle tend à se manifester. La démocratie semble à la croisée des chemins, pas seulement du fait de l’abstention mais aussi avec une forme de discrédit des institutions et la montée de tentation ultra-autoritaires dans l’opinion elle-même !

Mais LFI semble en mauvaise situation pour répondre à ces enjeux. De même que les questionnements sur le PS persistent dans une part importante de la population, tout en réaffirmant la recherche d’un clivage gauche-droite. Cela nous ouvre un espace !

Mais pour l’occuper, il faut désigner un sens, des leviers, porter une cohérence, dans le sens d’une véritable novation communiste, à l’unisson des exigences de notre société très mûre du 21è siècle, et non la réactivation de simples symboles. Nous ne sommes pas dans les années 1950, c’est évident, mais nous ne sommes même plus dans les années 1975, comme le disait notre regretté camarade, Yann Le Pollotec.

Il s’agit ainsi de porter l’idée d’une tout autre gauche alliant colère et alternative, « résister et construire ». C’est, pour nous, « le défi des jours heureux ».

Quelques mots sur le projet politique.

Un projet est différent d’un programme. Mais il faut conjuguer les deux, au risque d’être trop vague.

C’est-à-dire qu’il faut que notre projet soit appuyé sur quelques propositions précises, qui lui donnent sens, et qu’il soit appuyé sur les luttes et la capacité d’intervention populaire, tout en renforçant notre dimension de contestation du système. La conjugaison projet/propositions précises, pouvant faciliter la prise en main populaire.

En réalité, nous sommes mis au défi. Le PCF, ses militants résiste à son effacement et veut faire irruption dans le jeu. Le vote de militants après la conférence nationale comme le 38ème congrès l’ont bien montré. Mais, il existe d’importantes forces opposées à cela. Dans ces conditions, l’esprit de conciliation entre deux idées opposées, le manque de clarté n’aident pas à voir les enjeux et peuvent nous engluer.

Un mot sur le RN. Son recul, très lié à l’abstention, appelle plusieurs commentaires.

  1. Les régionales apparaissent à son électorat moins importantes, moins à enjeu que les présidentielles, les pouvoirs des régions ne sont pas clairs pour la masse des gens
  2. LR a aspiré une partie de l’électorat RN
  3. La « dédiabolisation » du RN, sa volonté de soigner sa « crédibilité » l’amène à être considéré comme partie prenante du « système », et donc à perdre certains votes contestataires
  4. Le Pen elle-même, et tous ses lieutenants, ont insisté : « pour protester, il faut voter ». Mais n’y a t-il pas non plus le sentiment d’une inutilité du vote Le Pen au bout de plusieurs décennies ?
  5. Enfin, les thématiques sociales et de vie ont, me semble-t-il, été peu présentes dans la campagne du RN

Tout cela, ne doutons pas qu’ils vont chercher à le rectifier, à la corriger. Mais cela manifeste quand même un certain nombre de choses auxquelles nous devons être attentifs.

Au total, en conclusion de cette première partie, au risque de me répéter, les grands enjeux de la présidentielle pour nous seraient :

  • Résister et construire contre la logique du capital (que nous contestons) et pour une autre logique, mettant l’emploi, les capacités humaines au cœur de tout, y compris les services publics
  • Le salariat et la société doit conquérir des pouvoirs sur les entreprises (à la fois de l’intérieur et de l’extérieur) et les banques.
  • Les entreprises et les banques sont un enjeu décisif, de classe, entre nous et le capital : à la fois un obstacle et un potentiel de transformation.
  • Il faut pour cela de nouvelles institutions pour agir, en France, en Europe, dans le Monde, mais aussi localement à partir des territoires.

II. Situation économique [début juillet 2021]

Dans une seconde partie, je voudrais donner quelques éléments d’appréciation de la situation économique.

Nous sommes dans un moment où le pouvoir et les médias diffusent un sentiment d’euphorie économique. Et dans le même temps, ils mettent à l’ordre du jour la question de « débrancher » les aides, la « fin du quoiqu’il en coûte ».

Cette idée d’euphorie s’alimente de trois éléments principaux : la vive reprise de la consommation marchande, l’emploi ne baisse pas, l’arrivée de Joe Biden grâce à qui les Etats-Unis vont tirer notre croissance et qui, pense-t-on va mener une politique internationale bien plus coopérative que Trump.

Il y beaucoup de propagande là-dedans.

  • La reprise de la croissance n’est pas si vive que cela (après -10% en 2020, encore heureux qu’on puisse avoir +6% pour 2021, consensus des prévisions actuelles). En outre, elle est assez mécanique[2]Le PIB mesure l’activité marchande sociale, et par exemple, à partir du moment où les gens reprennent le travail en présentiel, ils mangent à l’extérieur de chez eux, cela ré-augmente la … Continue reading. Mais avec cette reprise et les prévisions qui sont faites, ce sont tout de même 500 Md€ qui auront manqué à être générés comme production et comme revenu (soit 1/5è du PIB).
  • La croissance financière et les indices boursiers atteignent des sommets inégalés, dépassant même ceux de fin 2019 ! Or, ceci est très lourd de dangers et accroît tout de suite la pression contre les services publics (santé, par exemple !) ou contre l’emploi.
  • L’emploi. Derrière sa stabilité quantitative [et même une apparente amélioration au 2è trimestre], le nombre de chômeurs est à niveau très élevé et l’emploi semble de plus en plus miné en qualité et en intensité (temps partiels réduits), le halo du chômage s’étend (+90.000 personnes depuis la fin 2019, 2ème trimestre 2021 inclus) de même que le retrait du marché du travail de celles et ceux qui renoncent à chercher un emploi. La précarité s’étend, d’autant plus qu’avec les contre-réformes du marché du travail de Macron et Hollande, la distinction CDI/CDD s’estompe. La liquidation judiciaire de la fonderie MBF, dans le Jura, marque-t-elle un tournant ? En même temps que les forces du capital, avec le gouvernement en appui, hésitent à lâcher la bride aux « forces du marché » pour que les licenciements massifs deviennent réalité, mais ils semblent en attente, ce qui crée d’ailleurs un trouble dans les esprits, car le nombre de PSE n’a jamais été aussi élevé depuis longtemps.
  • La pauvreté s’étend. La communication gouvernementale sur le « bas de laine » des français durant le confinement concerne les 20% des français les plus aisés, et encore ces derniers sont pour partie dans un comportement d’épargne « de précaution », pour se prémunir en perspective de pertes d’emplois les touchant eux ou leurs proches.
  • La production de biens continue à être profondément défaillante. Ainsi le déficit du commerce extérieur a immédiatement recommencé à tutoyer des records, à peine cette « reprise » entamée.
  • Les services publics continuent à vivre l’apoplexie : c’est le personnel qui manque avant tout, comme on le voit bien pour l’hôpital, et cela nécessite un effort de formation dans la durée. Donc l’emploi… et la formation, évidemment !
  • La jeunesse est toujours dans une situation ahurissante.

L’enjeu n’est surtout pas de débrancher les aides et d’engager la fin du quoiqu’il en coûte, donc la reprise d’une austérité généralisée. C’est de faire plus, plus longtemps et, surtout, autrement ! Autrement, c’est-à-dire des aides par la création monétaire pour s’engager sur un nouveau chemin en mettant en leur cœur le développement de l’emploi et de la formation, et sa sécurisation, pour une production nouvelle, social-écologique, et pour les services publics, en coopération en poussant les partages des connaissances et des coûts entre les pays (comme le partage des brevets et technologies).

L’enjeu, c’est d’engager une expansion social-écologique partagée, en coopération, fondée sur la priorité à l’emploi-formation, aux services publics et à la démocratie.

Or,

  1. E. Macron et le gouvernement Castex annoncent « la fin du quoiqu’il en coûte ». En douceur disent-ils, mais c’est réengager les politiques d’austérité massives qui ont largement contribué à nous conduire où nous sommes ! Notons qu’en réalité, depuis deux ans, ils ont continué à pratiquer l’austérité sur les effectifs à l’hôpital. Tout en critiquant E. Macron, la droite ne dit pas autre chose sur l’austérité et le quoiqu’il en coûte…
    [Les éléments dont on dispose depuis, donnent l’impression qu’on se dirige vers une sortie « contradictoire », ou paradoxale, du « quoiqu’il en coûte » : ils vont faire à la fois « moins » et « plus ». Comme s’ils appuyaient sur le frein et l’accélérateur en même temps ! C’est-à-dire qu’ils cherchent à sortir, en éteignant les aides, mais en même temps ils s’aperçoivent qu’il faut ré-ouvrir de larges pans d’aides, sous pression conjointe des réalités objectives et des luttes, ou de l’opinion. D’autant plus que l’élection présidentielle va pousser E. Macron à lâcher du lest… Mais sans lâcher sur le discours et les principes, en maintenant la pression austéritaire, en évitant la généralisation. C’est aussi pour cela qu’ils tiennent tant à la réforme de l’indemnisation du chômage]
  1. Une position intermédiaire est développée par les milieux proches du PS : Faire la même chose plus longtemps (cf. notamment l’interview de B. Coeuré, Les Echos du 29 juin). C’est-à-dire pas vraiment plus, ni changer de logique mais en persistant longtemps. Cela revient à continuer à soutenir la demande, par le chômage partiel, sans rien changer aux conditions de l’offre, puisqu’on va continuer à appuyer l’investissement au détriment de l’emploi et de la formation. Par exemple on va continuer à ne pas mettre de conditions, de sélectivité pro sociale et pro écologique à la façon dont sont utilisés les PGE (les prêts garantis aux entreprises).
    Mais les tensions ( ) considérables sur l’offre concernent la formation (pénuries de main d’œuvre), les services publics et les émissions de CO2 !
    Et on va continuer d’appuyer la croissance financière, véritable cancer. C’est-à-dire d’une part, la spéculation, les placements financiers et l’évasion fiscale, d’autre part les rachats financiers d’entreprises et l’attractivité des capitaux pour les IDE. Le gonflement qui en débouche est mortifère, tel un véritable cancer financier qui saisit peu à peu tout le corps économique.
  1. Les économistes dominants. La pression monte pour poursuivre les (contre)réformes néolibérales, avec le rapport Blanchard-Tirole. Leur rapport ajuste sur un point : il « enveloppe » u peu plus le paquet. Le rapport demande des « réformes » dans trois domaines : climat, inégalités, vieillissement.
  • Pour le défi climatique, schématiquement, il préconise le marché et le capital : la taxe carbone à un niveau élevé[3]La taxe carbone est censée donner un signal prix qui pousserait à diminuer l’achat de biens ou services à fort contenu carbone. Elle ne marche pas, ayant des effets très faibles (un même prix … Continue reading, appuyer l’investissement matériel et financier, donc le capital, et créer une « banque centrale des crédits carbone », dans une conception à la fois spéculative et malthusienne de la lutte contre le changement climatique.
  • Sur les inégalités, l’opération de récupération est encore plus poussée. Ils distinguent les inégalités de richesse avant production, après production et les inégalités de compétences.
    • Pour les inégalités avant production : se couvrant de l’égalité des chances, ils préconisent le « débrouille-toi » dans la jungle du marché de l’emploi + une légère taxation du capital (entendre ici : seulement le patrimoine des ménages, les entreprises en sont exclues) pour doter chacun d’un « capital-formation »
    • Après production : ils proposent de « taxer le capital » [des ménages…] et de lutter contre l’évasion fiscale, donc une redistribution très classique, avec un petit ISF. C’est dire !.. Ils y ajoutent le renforcement de la baisse du coût du travail (rebaptisée « moins imposer le travail »[4]Ce n’est pas du tout moins imposer les travailleurs. C’est moins imposer les profits des entreprises…)
    • Compétences. Tout un discours est produit sur l’importance de la formation… pour déboucher sur le marché : aux travailleurs, aux chômeurs de chercher une formation, à l’Etat de les « inciter » à en chercher une ! La culpabilisation individuelle. Et pas un mot sur l’exigence absolue de changer le comportement de (non) création d’emploi des entreprises !
  • Démographie et vieillissement : ils ne voient comme enjeu que l’allongement de la durée de cotisation, et de l’âge de départ, et ressortent la réforme du régime de retraites vers régime à points, tant honni ! Et ils soulignent que ce régime permettrait une approche « individuelle » et de tenir compte de la pénibilité.
  1. La droite (V. Pécresse, X. Bertrand) développe l’idée du « plus d’Etat » essentiellement au service du capital et des profits, complétée par l’idéologie de soumission au patron : « obéissez-lui », laissez-le décider, et vous aurez ce qu’il faut, vous vivrez mieux. Bref la « théorie » du ruissellement, dans une version un peu féodale… « merci patron » !
    Or l’Etat intervient déjà beaucoup et finance beaucoup… et plus que jamais au service du capital et des profits ! Il y a toutes les aides et exonérations bien sûr. Mais dans les entreprises, il continue à détenir des parts non négligeables du capital dans de nombreux grands groupes, mais des parts minoritaires pour accompagner, conforter et soutenir le capital, voire le garantir[5]15% dans Renault (où il est le premier actionnaire), 25% dans Thalès, 13% dans Orange, 23% dans Engie, 11% dans Safran, etc. Et les détentions indirectes, via la BPI, sont mal connues, elles … Continue reading.
  1. Notons que la politique de J. Biden se présente comme une autre option encore : faire beaucoup plus, plus longtemps et un peu autrement, mais non coopératif car par prélèvement du dollar sur le reste du monde et sans s’opposer à la croissance financière ! En effet, avec les 6.000 milliards d’euros supplémentaires, ils vont mettre plus, sur le moyen terme, sans changer profondément les critères d’utilisation de l’argent. Et donc, la posture coopérative de Biden est pour beaucoup une façade.

Dans ces conditions, attendre que la reprise de Biden nous sorte d’affaire est excessif. D’autant qu’elle va accroître la guerre économique internationale.

Il faut donc faire monter la philosophie de nos réponses : faire plus, plus longtemps, mais autrement : en agissant sur la gestion des entreprises et démocratiquement pour sécuriser et développer l’emploi, la formation, les services publics.

Au cœur du quoiqu’il en coûte, il y a la création monétaire. Et, dans notre réseau, cela fait longtemps que nous savons bien à quel point il est important de faire porter le projecteur sur la création monétaire pour s’en emparer. Il est décisif que le parti prenne à bras le corps cet enjeu de classe (le capital versus l’emploi, la formation, les services publics). D’autant que les interrogations sur ce qu’ils appellent « la dette » sont dans toutes les têtes. Pour nous ce doit être considéré non comme une dette, mais comme « des avances » pour se développer : capital financier ou bien capacités humaines ?

Notre société est en interrogation, en recherche de nouveau modèles, ne ratons pas le coche une fois de plus !

Durant le tournant des années 1973-79, les Chicago boys ont acquis peu à peu de l’importance, puis il y a eu le tournant majeur de la politique monétaire de la Fed en 1979, avec la suite qu’on connaît.

Aujourd’hui, il y a la gigantesque création monétaire de la Fed sur laquelle Biden veut s’appuyer et la dite « théorie monétaire moderne » (TMM) sur laquelle la gauche américaine s’appuie. Est-ce le tournant ? Oui et non. Le besoin de tournant se manifeste, mais cette théorie n’en est pas une. Elle affirme qu’il faut créer de la monnaie en grande quantité, sans voir qu’il y a rivalité avec son utilisation contre la croissance financière. Et donc le besoin d’utiliser cette monnaie créer selon d’autres critères. Sinon, cela relance la croissance financière, et certes fait aux Etats-Unis un peu d’emploi mais sans production suffisante, cela débouche sur des problèmes accrus, particulièrement dans le monde. Cela peut déboucher sur un keynésianisme de combat des USA contre le reste du monde !

C’est nous qui avons de quoi engager le vrai tournant. Nous proposons de faire vraiment autrement : avec des critères précis (emploi, VA, écologie, taux abaissés voire négatifs), contre la rentabilité financière (taux surélevés) et de nouveaux pouvoirs démocratiques sur les entreprises et les banques.

Mais le parti est fragile là-dessus. Il aurait besoin de travail sur les idées, de formation et, surtout, d’expérimentation.

En ce sens, il faut rappeler la force qu’a reçue la pétition « Des milliards pour l’hôpital, pas pour le capital » avec ses 108.000 signatures. Cette pétition n’était pourtant pas si simple, elle comportait 5 points. Cela montre le potentiel !

On l’a dit Biden, justement, fait beaucoup en termes de création monétaire. Il insiste sur l’emploi et le social, mais il ne semble pas s’opposer à l’envolée financière. Il va financer ses programmes grâce au prélèvement du dollar sur le reste du monde. Il intensifie la guerre économique avec la Chine, utilisant des arguments de « valeurs démocratiques » pour enrôler l’UE dans sa véritable « croisade » de guerre froide.

L’Union européenne est en train de chercher à suivre la « locomotive » US, sans amplifier sa propre création monétaire, car pour le faire, ne disposant pas du privilège du dollar, il faudrait qu’elle s’oppose explicitement aux marchés financiers.

D’autre part, UE comme USA sont engagés dans une réforme de la taxation des firmes multinationales (FMN), ce qui consiste à agir sur la répartition de leurs profits, sans agir sur ce qu’elles font en termes d’emploi, de climat, de technologies, etc.

Enfin, il y a l’énorme enjeu des émergents et des pays sous-développés. Les pays sous-développés sont dans une situation très inquiétante. Et les émergents, hormis la Chine, ont une grande fragilité de leur politique monétaire qui les met en proie à des dévaluations.

C’est pourquoi le FMI a décidé une création monétaire de 650 milliards d’euros, par émission de DTS (droits de tirages spéciaux), soit trois fois plus que lors de la crise financière de 2007-2008 ! En insistant sur le fait que les pays développés doivent céder une partie de leurs droits aux pays du Sud. C’est important. Mais sans critères d’affectation pour l’emploi et les services publics, cela risque fort de pousser massivement les feux des marchés financiers, contre tout le reste.

Il y a donc un énorme enjeu coopératif concernant le monde et un enjeu de coopération européenne tout autre. La montée de l’idée de partage des brevets et technologies sur le vaccin témoigne de la perception de cet enjeu.

Pour l’UE cela concerne évidemment la BCE et sa création monétaire. Mais pas que. Cela concerne aussi

  • le besoin d’instaurer d’autres règles économique, de coopération plutôt que de concurrence,
  • Le rôle et la spécificité des entreprises publiques, plutôt que la privatisation et le marché généralisé
  • le besoin d’une certaine politique industrielle et d’institutions démocratiques pour cela
  • les services publics, dont la définition est très restrictive dans les traités
  • ou bien encore le grand enjeu des données et de la maîtrise des GAFA
  • Le partage des moyens
  • D’autres relations de l’UE avec le reste du monde
  • La maîtrise des multinationales

La France est en capacité – avec un pouvoir qui le voudrait – de pousser de nouvelles institutions de coopération en Europe et dans le monde.

Le monde est en effet en recherche de modèle, avec des règles positives, et pas seulement des limitations ou des compensations. Trois éléments me semblent ressortir : l’idée générale de coopération entre les peuples, par exemple sur la recherche médicale, l’exigence de maîtriser ce que font les multinationales, la création monétaire mondiale des banques centrales et – surtout – le rôle du FMI. La France pourrait s’appuyer sur la Chine, les émergents, le Sud et même beaucoup de peuples de l’UE.

Pour cela, il faut que nous avancions un projet positif : un sens, des leviers, une cohérence articulant objectifs sociaux-écologiques, pouvoirs démocratiques nouveaux et moyens financiers. Nous devons veiller à conjuguer les dimensions sociale et sociétale (l’économique et l’anthroponomique).

III- Rôle et objectifs du réseau

  • Prédomine dans les esprits l’idée que La crise serait due à la Covid, pas au capitalisme
  • De notre côté, en même temps que l’indispensable réorientation du parti sur les questions de l’entreprise et les questions de classe, il nous faut conjurer le risque nous enfermer (i) dans la classe ouvrière au sens étroit du terme, ainsi que (ii) dans le travail au détriment du hors-travail, alors qu’il faut conjuguer les deux pour une émancipation réussie, et aussi (iii) nous enfermer dans l’hexagone en traitant au mieux les questions internationales comme une question diplomatique et de solidarité internationale avec « l’extérieur », alors qu’elles sont intérieures..
  • La faiblesse idéologique tend à faciliter le développement d’idées simples, traditionnelles ou vagues et de s’y tenir, alors qu’elles ne sont pas du tout à la hauteur des défis. Par exemple, en insistant sur les riches et « la finance » sans entrer précisément dans les enjeux de la domination du capital et du « comment faire ».

Pourtant l’exigence d’un lien entre politique et économie monte comme rarement. Elle monte pour rechercher une vie émancipée et un autre monde.

Il y a là un défi considérable pour le PCF, et donc pour que le réseau aide le parti à s’en saisir.

Une « fenêtre » est là et nous avons des éléments pour faire… !

De plus, les communistes veulent faire. Mais comment ? Comment faire en sorte que les 40.000 communistes qui se sont prononcés pour la candidature du PCF avec Fabien Roussel à la présidentielle soient 40.000 candidats ?

Il faut absolument réussir cela, car se joue l’avenir du parti.

En même temps, heureusement que nous sommes face à ce défi ! Nous y avons énormément contribué, à la fois à la décision elle-même (le congrès, puis la conférence nationale) et au contenu. Ceci jusque dans la dernière chausse-trappe qui était (à la conférence nationale) le risque que le « pacte d’engagements législatifs » surplombe la présidentielle et nous engage dans une conciliation permanente et électoraliste au détriment de l’avancée de nos propres contenus dans le pays et auprès des « masses populaires ».

Tout autre chose est de faire une campagne qui, dans un esprit unitaire, pour faire progresser la gauche, engage le débat à gauche, le débat de projet, mais aussi le débat sur des solutions, y compris en cherchant ce qui peut se faire en commun qui peut rassembler, sans lâcher sur la nécessaire cohérence des objectifs avec les moyens et les pouvoirs, dont on a vu que son absence conduit la gauche dans le mur[6]Le meilleur exemple, matrice de la montée de l’extrême-droite et des déceptions à gauche, est la période 1981-83 : des mesures sociales, sans moyens financiers nouveaux et sans pouvoirs … Continue reading.

Une campagne qui pose les questions de l’utilisation de l’argent, avec des pouvoirs nouveaux et des institutions nouvelles.

Une campagne, enfin, qui pousse à l’action politique.

Comment concevoir le rôle du réseau dans tout cela ?

  • Aider le parti, à faire, à voir
  • Y compris à se réorienter quand cela est nécessaire
  • Aider à la prise d’initiatives
  • Et bien sûr en toute autonomie.

Qu’en pensez-vous ? C’est une question à bien débattre entre nous. Car nous vivons une sorte de « crise de croissance » du réseau, après les avancées du congrès et de la conférence nationale.

Les atouts dont nous disposons :

  • Nous sommes présents en tant que tels dans la campagne présidentielle et Fabien est présent sur les médias (bien qu’insuffisamment, bien sûr .. !)
  • La façon dont le candidat s’adresse au monde du travail
  • Dans le parti, c’est le candidat d’une « autre utilisation de l’argent »… mais ce discours et cette idée ne sont pas tenus à l’extérieur du parti…

Mais :

  • Il y a une certaine délégation qui tend à rendre les communistes trop spectateurs, favorisée par la présidentielle, le rôle des médias et les confinements, plus ou moins larvés
  • La campagne de sommet n’est pas assez centrée sur les idées et l’originalité communiste

Fort heureusement, comme nous sommes partis tôt, nous pouvons encore corriger.

Le risque est de

  • Suivre les thématiques des autres
  • De s’enfermer dans une thématique sociale-ouvrière, disons travailliste, réduite à l’augmentation des salaires.

Ce dernier point laisse aux autres la réponse (PS, X. Bertrand, etc.). Nous contribuerions à installer la question salariale dans le débat politique, comme une revendication en quelque sorte, tout en laissant aux autres les réponses. Or, il nous faut avancer dans le débat politique sur la nécessaire cohérence objectifs/moyens/pouvoirs.

C’est-à-dire qu’il faut une autre cohérence que celle de ce système, une autre logique qui mette l’emploi, les services publics et les capacités humains en premier. Pour cela, les entreprises et les banques doivent changer leur façon de faire. L’Etat, toute la politique, doit agir en ce sens, et donner plus de pouvoirs démocratiques à toute la société sur les entreprises et les banques.

Il est absolument indispensable que nous avancions dans le débat des propositions institutionnelles (pouvoirs) et de financement. Pour politiser nous-même les exigences sociales. Nous pouvons commencer à monter en régime sur la contestation de la logique actuelle : pourquoi est-il si difficile que l’Etat embauche massivement (à la hauteur des besoins) à l’hôpital ou à l’école ? Ce n’est pas pour l’essentiel parce que nos dirigeants ignorent la situation, c’est parce que cela irait contre la logique fondamentale du système ! Et pour embaucher dans ces deux grands services publics, il faut beaucoup former, former !

IV – Activité et organisation du réseau

Il est proposé d’organiser le réseau en grandes régions, avec 2 ou 3 camarades responsables par région, cela correspond à l’état de nos forces (quitte à démultiplier certaines régions quand c’est nécessaire, comme Aura entre Rhône-Alpes et Auvergne… si nous le pouvons)

De continuer bien sûr les interventions, textes etc.

De renforcer la formation, en prenant si possible des initiatives en ce sens.

Et, surtout, de développer notre capacité d’intervention et d’initiative.

L’idée serait, je vais y revenir, que nos camarades s’expriment sur la thématique qui leur semble favorable dans leur fédé, section, voire région, pour une construire une initiative posant les questions majeures du projet de société pour l’emploi et la formation (la SEF, sécurité d’emploi ou de formation) et les questions de l’utilisation de l’argent. En se gardant, évidemment, de tout économicisme, c’est-à-dire qu’on peut aussi partir des grandes questions de discriminations ou du vécu des jeunes (et moins jeunes) des cités populaires, etc.

Nous aiderions à impulser la mise en place de comités de campagne larges et ouverts, que nous pourrions appeler « Comités d’initiatives Fabien Roussel 2022 – Le défi des jours heureux », animés par des communistes.

Le réseau doit aussi se préoccuper, pensons-nous, de l’adoption du programme. Même si un certain nombre de lignes de forces ont été dessinées dans le texte adopté par les communistes suite à la conférence nationale. Nous nous sommes exprimés, jusque-là, pour une réunion des animateurs de section vers la fin de l’année à Paris, adoptant le projet. Ce serait, en outre, un bon « reboost » de la campagne. Qu’en pensez-vous ?

Le parti vient en effet de prendre une décision importante, à savoir de tenir un grand rassemblement national pour l’emploi à Paris le 20 Novembre avec Fabien Roussel, précédé d’une semaine d’initiatives dans les régions, départements, localités du 9 au 16 octobre. A l’initiative de novembre, outre les prises de parole, seraient présentées publiquement nos propositions politiques pour l’emploi.

J’invite chacun.e à réfléchir à quel dossier, quel chantier peut-il proposer de se saisir là où il milite et a de l’influence dans le parti, dans l’esprit que je viens d’exposer.

Pour la semaine du 9 au 16 octobre, quelques questions seront bien évidemment portées nationalement, tout en gardant un ancrage territorial, ce sont pour l’instant et sous réserve de changement :

  • la filière automobile, dans les Hauts de France avec une dimension « état des lieux » et une dimension concertation
  • la filière santé en Ile de France : de l’hôpital à l’industrie du médicament, en passant par bien d’autres secteurs/professions
  • l’aéronautique à Toulouse.

J’invite donc chacun.e à réfléchir à quelle initiative prendre ou proposer et comment ? Sous quelle forme ?

L’initiative peut être revendicative : devant la préfecture ou le Medef.

On peut aussi, et cela ne s’oppose pas, mais peut mieux marquer le terrain et les esprits, organiser des concertations mobilisations sur les besoins d’emploi, de formation et l’argent à mobiliser, les entreprises et pouvoirs politiques à mettre en cause. Nous pourrions y porter aussi nos propositions politiques.

  • Besoins d’emplois et de formation :
    • Travailleurs.ses, Jeunes,
    • Associations de chômeurs,
    • Associations écologiques
  • Moyens et pouvoirs
    • Travailleurs de l’éducation nationale et/ de la formation permanente, de pôle emploi
    • Travailleurs des banques
    • Services publics financiers et monnaie (impôts, Banque de France, Insee)

Et aussi des personnalités, des intellectuels, des économistes.

La réunion peut déboucher sur un projet et un appel portant les exigences, avec l’organisation des suites, dont la montée à Paris pour le 20 novembre.

Nous pourrions avoir 2 ou 3 appels nationaux

  • Santé-Hôpital-médecine
  • Pôle public du médicament
  • Jeunesse
  • Aéronautique
  • Automobile ?
  • Etc .

Voire une pétition sur un ou deux axes (comme les pré-recrutements à l’hôpital).

Il faudrait que chacun.e fasse une courte fiche sur le dossier, l’état des lieux, que faire ?, et les forces mobilisables.

L’idée est d’aider les fédés et les sections à faire. Les pousser en quelque sorte.

Il y aura un flyer-tract dès la fête de l’Huma.

Je propose donc de structurer le réseau sur cette base, et dans ce même mouvement, d’autant plus que différentes échéances et batailles d’idées nous attendent.

Enfin, sur l’animation du réseau. Le bilan que nous faisons était qu’il fallait élargir le secrétariat pour qu’il devienne un véritable bureau et désigner un vrai secrétariat de 4-5 camarades.

Suit un nombre de camarades proposés (et à contacter) pour élargir le bureau.

***

En conclusion, je voudrais insister sur les perspectives. Nous pourrions viser, en ligne avec l’un de nos édito du blog, sur la base de cette activité et au-delà de la présidentielle à ce que se développe, avec le parti, une sort de « mouvement de masse » : un mouvement pour une intervention démocratique (et des changements politiques) sur l’emploi et la vie.

L’enjeu, pour notre parti, ne pourrait-il pas être résumé ainsi, même si c’est simplificateur : contester la logique existante de domination du capital pour avancer vers une autre logique versus rester dans les symboles passés pour chercher la seule survie du parti, voir le suivisme des idées existantes plus ou moins keynésiennes, prétendument « réalistes », qui nous rendrait sans originalité et donc illisibles, non seulement à la présidentielle mais aussi aux législatives.

Autre chose est de s’appuyer sur ce qui monte, jeunes, pouvoir d’achat, exigence d’un monde de coopération, pour apporter nos propres idées originales. Ramener vers une autre logique qui met l’emploi, les services publics et l’émancipation au centre, exigeant des changements politiques profonds, et non comme quelque chose qui viendra après, une fois qu’on aura « naturellement » aidé, voire conforté, le capital ! L’emploi et la formation, avec notre projet de sécurité d’emploi ou de formation, l’entreprise, les pouvoirs dessus, les banques, avec la création monétaire, et les enjeux d’une autre organisation du monde sont les quatre pieds majeurs pour faire avancer la prise en main de l’originalité communiste et son apport à notre monde.

Car la réussite de cette « séquence », comme on dit, se jugera bien sûr aux résultats électoraux. Elle se jugera aussi aux idées qui marqueront la campagne. Elle se jugera enfin à notre capacité à mettre en mouvement des forces et des personnes au-delà des échéances électorales, pour résister et construire des transformations d’envergure.

Notes

Notes
1 En réalité, il s’agit d’une scission entre économie et anthroponomie
2 Le PIB mesure l’activité marchande sociale, et par exemple, à partir du moment où les gens reprennent le travail en présentiel, ils mangent à l’extérieur de chez eux, cela ré-augmente la consommation marchande.
3 La taxe carbone est censée donner un signal prix qui pousserait à diminuer l’achat de biens ou services à fort contenu carbone. Elle ne marche pas, ayant des effets très faibles (un même prix du carbone a des effets très différents sur les émissions de CO2 d’un pays à l’autre, selon la structure du pays). Mais les économistes dominants ne savent voir que par le prisme du marché !
En réalité elle pose trois problèmes principaux : (1) On peut polluer si on peut payer (2) Les entreprises reportent la taxe en augmentant le prix, voire en baissant d’autres coûts (salaires, cotisations sociales, impôts, etc.), ce sont donc les ménages et les salariés qui paient (3) Mettre une taxe sur une consommation n’offre pas une alternative. Par exemple même si l’essence est encore plus taxée, s’il n’y a pas de transports en communs, c’est toujours la voiture qui est utilisée. Il faut créer une autre offre, produire d’autres biens et services !! Et changer les critères de gestion des entreprises. Donc, contrairement aux sociaux-démocrates de différente couleur (du vert au rose), la taxe carbone ne pose pas seulement un problème inégalités de revenus, en pesant sur les plus pauvres, nécessitant une redistribution (qui ne pourrait se faire que par une véritable usine à gaz…).
4 Ce n’est pas du tout moins imposer les travailleurs. C’est moins imposer les profits des entreprises…
5 15% dans Renault (où il est le premier actionnaire), 25% dans Thalès, 13% dans Orange, 23% dans Engie, 11% dans Safran, etc. Et les détentions indirectes, via la BPI, sont mal connues, elles devraient aussi être prises en compte.
6 Le meilleur exemple, matrice de la montée de l’extrême-droite et des déceptions à gauche, est la période 1981-83 : des mesures sociales, sans moyens financiers nouveaux et sans pouvoirs nouveaux, notamment sur les entreprises nationalisées pour une autre gestion avec d’autres critères. Contrairement au discours dominant, ce n’est donc pas parce que Mitterrand aurait renoncé « après » avoir pris des mesures sociales. C’est que Mitterrand a refusé d’affronter le capital. La suite a été une longue conversion aux prétendues vertus du néolibéralisme.

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