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Hommage à Aimé Halbeher. Un ami et camarade de combat qui nous a quitté

Aimé chez Renault en 1968. Lui rendre hommage, c’est poursuivre le combat sans relâche et avec la même détermination pour faire gagner les idées révolutionnaires dans les entreprises, les cités et toute la société.

Aimé Halbeher nous a quitté. Nous présentons à sa famille, ses proches et à tous ses camarades de combat l’expression de toute notre tristesse, notre solidarité et nos condoléances.

La vie d’Aimé est marquée par son engagement révolutionnaire tant avec la CGT son syndicat de toujours qu’avec le Parti communiste où il occupa des responsabilités importantes en tant que membre du Comité Central de 1976 à 1987.

Parisien, né en 1936 il est issu d’une famille ouvrière. Il obtient son certificat d’étude en 1950 et rentre au centre d’apprentissage de Renault Billancourt où il obtient son CAP. C’est en qualité d’ouvrier ajusteur-outilleur qu’il travaille à l’île Seguin et découvre le combat de classe avec les multiples luttes sociales et politiques qui se déroulent à l’époque.

Dès 1954, il adhère à la CGT et la même année au parti communiste. Mobilisé pendant 30 mois lors de la guerre d’Algérie, il est de retour à Billancourt en 1959.

En 1961 il devient secrétaire général adjoint du syndicat CGT et accède à la direction nationale de la Fédération des travailleurs de la métallurgie ainsi qu’à la direction de la Fédération de la Seine Ouest du PCF.

Il quitte l’usine et devient permanent en 1963 pour assumer l’ensemble de ses responsabilités. Il est élu en 1967 secrétaire général du syndicat CGT des usines du groupe Renault.

Aimé Halbeher va jouer un rôle très important dans la grande grève de 1968 où il fait preuve d’une grande intelligence pour rassembler et tenir l’occupation de l’usine forte de 20 000 salariés pendant 33 jours. Après les discussions de Grenelle, dont le constat est jugé insuffisant par une majorité d’ouvriers, il propose la poursuite du mouvement qui débouchera sur des acquis améliorant sensiblement ceux de Grenelle. Le travail ne reprendra que le 18 juin 1968.

Aimé Halbeher et son camarade Roger Sylvain, décédé il y a quelques semaines, font parti de cette génération de militants ouvriers remarquables par leur réflexion, leur engagement et leur capacité à convaincre, à rassembler et entraîner.

Aimé était un militant d’une grande culture acquise par son travail personnel et par une formation théorique dans les écoles du PCF. Il incarnait le désir d’apprendre, d’apporter et de faire dialoguer travailleurs et intellectuels, théorie et pratique, qui caractérisaient les plus brillants militants ouvriers de sa génération.

En 1972, sollicité par la CGT, il est élu membre du bureau de la Fédération des métaux CGT et devient le responsable national du secteur automobile. Trois années après, il retourne chez Renault car il avait besoin d’être en contact avec le milieu ouvrier pour mieux sentir l’état d’esprit et pour mettre en œuvre sa conviction que l’avenir des idées révolutionnaires passait par une présence accrue du parti communiste dans les entreprises.

En 1976 il est élu secrétaire de la section du PCF de Renault Billancourt qu’il quittera en 1981 pour travailler au sein de la section économique du PCF.

En 1983 il est nommé rédacteur en chef de la revue Économie Politique du PCF, responsabilité qu’il occupera jusqu’en 1990. Cet outil politique lui permettra de donner aux luttes sociales et politiques tout leur contenu transformateur et de porter l’enjeu d’une autre gestion des entreprises, avec d’autres critères et des pouvoirs d’intervention des salariés, dans les entreprises nationalisées et au-delà.

Il militera ensuite au secteur Entreprise du PCF jusqu’en 1997. Ses désaccords avec « la mutation » initiée par Robert Hue, avec un parti qui devient un parti d’élus-es et non plus de militants ancrés dans les entreprises, le conduiront à quitter le PCF.

Malgré cette prise de distance, Aimé tenait à garder des liens étroits avec ses camarades de combat qu’ils soient syndicalistes ou communistes. Chaque rencontre était pour lui l’occasion d’échanger, de confronter et de renforcer ses réseaux amicaux qui étaient précieux pour continuer à faire vivre les idées communistes et ses conceptions d’un parti révolutionnaire.

Aimé avait accepté d’être le premier président de l’association pour la Fondation Paul Boccara.

Aimé jouissait d’un grand respect de la part des militants qui le côtoyaient et l’appréciaient pour sa grande simplicité, la clarté de ses positions, sa détermination à mener la bataille pour les idées communistes et sa fidélité aux valeurs qui motivèrent ses engagements politiques et ses choix tout au long de sa vie.

Rendre hommage à Aimé, c’est poursuivre ce combat sans relâche et avec la même détermination pour faire gagner les idées révolutionnaires dans les entreprises, les cités et toute la société.

Les obsèques seront célébrées jeudi 12 Août 2021 à 10h30 au Crématorium du Père Lachaise Paris 20ème  

La cérémonie d’adieu aura lieu au crématorium de 11h30 à 12h30 en salle de la Coupole.

Les messages de condoléances peuvent être envoyés à : stephanehalbeher2@gmail.com  et bea_aime@frederic-rauch

Les amis.es et camarades d’Aimé trouverons ci dessous le dernier texte qu’il avait rédigé pour la revue Economie & politique portant sur l’oeuvre de Paul Boccara et publié dans la revue Economie et politique.

Dans les années 70 et 80, de très nombreux militants communistes des entreprises publiques et privées se sont intéressés à la démarche et aux travaux de Paul Boccara.

Cette soif du débat de politique économique correspondait finalement à un besoin plus ancien de ne plus laisser ce terrain aux seuls dirigeants politiques, patronaux et leur armée d’ « experts ». De renverser la problématique de l’efficacité dans la production pour conforter les luttes des salariés en matière de salaire, de pouvoirs nouveaux, de formation et de création d’emplois utiles.

Ces militants communistes, en particulier ceux qui étaient élus pour occuper un mandat syndical, estimaient que l’appel à l’intervention économique de Paul Boccara répondait aux valeurs et aux aspirations nées du grand mouvement social de mai 68.

Alors que le gouvernement de droite décrétait « l’intéressement » aux fruits du travail qui est apparu comme un piège à « intéresser » aux critères de rentabilité financière à l’origine d’un chômage grandissant, les économistes communistes les appelaient à intervenir pour imposer des transformations profondes dans les gestions des entreprises, des banques et les institutions politique et économique du pays.

Dans cette période, la direction du PCF concentra des efforts immenses pour consolider et augmenter les bases communistes dans le monde du travail. De sorte que les progrès théoriques et politique de la section économique et les efforts de la direction du PCF pour renforcer l’influence et l’organisation communiste dans les entreprises se sont nourries de façon interactive.

Un défi démocratique était lancé. Des idées transformatrices auto gestionnaire ont commencé à flotter dans l’air. Des milliers de bases communistes nouvelles se sont créées en France. De son côté la section économique du PCF connaissait une influence grandissante. La revue mensuelle Economie et politique du PCF passa de 3000 abonnés en 1975 à 6000 en 1985 puis à 10000 en 1990.

En dénonçant sans relâche la croissance financière et spéculative Paul Boccara a éclairé sur les causes des crises mondiales financières mais aussi de la baisse d’efficacité des capitaux engagés en rapport avec la valeur ajoutée et donc l’emploi. Il a invité les militants d’entreprises à retourner les problématiques concernant les coûts salariaux, la compétitivité, la productivité en opposant aux critères de gestion patronaux de rentabilité financière des critères d’efficacité sociale des financements, élevant les richesses nouvelles créées par le travail.

Cela supposait d’identifier tous les gâchis financiers et matériels de la gestion capitaliste y compris dans les groupes publiques et nationalisés. Beaucoup de luttes sociales et de débats économiques se sont donc enrichis. Par exemple, des exigences de production nouvelles créatrices d’emploi qualifiés et donc de financements pour la formation professionnelle et générale, la valorisation des qualifications, les études et recherche. Dans la volonté des convergences de luttes dans les filières et les régions, les idées de partage des financements et de coopération inter entreprise ont progressé. Les responsabilités des banques ont été soulevées publiquement.

Bref, il ne suffisait plus de demander l’élévation des investissements dans les entreprises pour élever les chiffres d’affaire ou de demander des aides bancaire ou publique mais d’intervenir dans le contenu de celles-ci et de s’enfoncer dans la contradiction inhérente au système capitaliste de rentabilité : sans croissance des richesses humaines, des salaires, de l’emploi, de la formation et de la recherche, il n’y a pas de redressement durable de la croissance économique, des emplois et des valeurs ajoutées dans le pays. Sans recul de l’égoïsme capitaliste ignorant toute coopération qui n’offre pas un rendement financier suffisant et rapide, il n’y aura pas de progrès durable des emplois et des richesses sociales pour relever les grands défis dans la santé, l’éducation, le logement, etc…

J’ai 82 ans, je suis déconnecté de la réalité et des transformations gigantesques qui se sont opérées dans les entreprises. Je pense néanmoins que si les conditions du militantisme révolutionnaire se sont extrêmement compliquées, cela ne me fait pas désespérer. Il y a des angoisses, des frustrations, peut être des reculs de solidarité mais aussi des potentiels nés des expériences historiques récentes qui peuvent accélérer la clairvoyance les maturations et les consciences.

Je connais néanmoins la triste situation concernant l’activité du PCF dans les entreprises. Dans les années 90, sans aucun mandat des communistes, la direction du Parti sous Robert Hue a liquidé l’activité des milliers de cellules d’entreprise, ceci pour de vulgaires ambitions électoralistes et ministérielles. Cela a certainement réduit le champ d’intervention théorique des économistes communistes et surtout leur coopération avec les militants salariés.

Mais dans une telle complexité, dans ce manque cruel d’existence d’un parti créateur au cœur de l’entreprise, le besoin de l’efficacité des financements ne m’apparait pas mort dans les consciences. Certaines réactions populaires et positives sur les gâchis, la corruption financière, les dépenses abusives, les inégalités sociales, les dégâts environnementaux me conforte à l’idée qu’il y urgence à populariser, vulgariser les immenses travaux réalisés par Paul Boccara et surtout de poursuivre leurs enrichissements en lien avec la réalité d’aujourd’hui dans les entreprises et les institutions.

Ce potentiel de mobilisation et de réflexion je le devine chez les ouvrier bien entendu, et je le perçois parmi les millions d’ingénieurs, cadres et techniciens et certaines couches moyennes.

Paul Boccara était un militant communiste. J’ai toujours apprécié chez lui sont comportement chaleureux avec les militants des entreprises. Il était tolérant, compréhensif, loin d’une attitude méprisante que j’ai pu percevoir quelque fois chez d’autres. Il était souvent candidat pour aider les camarades qui avaient du mal à formuler des arguments et des propositions de lutte sur les lieux du travail. Ce fut par exemple le cas dans l’aéronautique, l’automobile, la chimie, EDF, les banques, la sidérurgie, les hôpitaux, etc….

En 1987, Paul décida d’éditer un livre consacré essentiellement à l’aide concrète aux militants d’entreprises. Ce livre intitulé « Economie et gestion d’entreprises en 12 leçons » réalisé avec des militants économistes communistes et militants de la CGT, était d’une grande qualité pédagogique et théorique tout en étant à la portée d’un grand nombre.

Est-il possible aujourd’hui de renouveler l’exercice en tenant compte évidemment des changements intervenus ? Je le souhaite.

Tel sont les quelques souvenirs que j’ai gardé de mes 20 ans de collaboration avec P. Boccara. Je n’ai pas évoqué son activité internationale qui contribua, d’après ce que je ressentais au rayonnement du PCF dans le monde dont l’originalité a longtemps été son ancrage et son influence dans le monde ouvrier et la cohérence de son combat dans les gestions et les institutions.

A l’heure ou la Président de la République rêve d’installer la république des experts et la cogestion à l’allemande contre la république des citoyens, je trouve dommage que des travaux de Paul sur la monnaie unique mondiale et sur les potentialités des nations souveraines à coopérer pour faire reculer la croissance financière et la guerre monétaire mondiales soient pervertis par un débat sur les institutions européennes un peu dépassé et en tout cas sclérosant.

les lecteurs&lectrices peuvent se référer la revue avec l’adresse suivante:

https://www.economie-et-politique.org/wp-content/uploads/2021/08/A_Halbeher.pdf

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