L’auteur de cet article, François Kaldor, est avocat honoraire
Les évènements dramatiques que nous connaissons renvoient en filigrane à la séparation des pouvoirs.
Montesquieu n’avait pas proposé cette réflexion pour un plaisir littéraire, mais pour le fonctionnement de la démocratie.
Il faut se souvenir que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 aout 1789… ne contient pas le mot justice, mais énonce un certain nombre de droits imprescriptibles : la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression.
Ces droits ont été développés par les mouvements sociaux et politiques que nous avons connus et que l’histoire nous enseigne.
Depuis sa création en 1920, poursuivant le mouvement d’émancipation antérieur de tous les travailleurs, le parti communiste français a œuvré pour cette grande réalisation de la démocratie et de la justice sociale.
Dans ce qu’on peut appeler l’époque où nous vivons, lorsqu’après 1968 des changements importants devaient intervenir pour l’avenir de la population de notre pays, le PCF s’est attaché à développer les droits nouveaux dans le contexte de ce qu’on appelait alors la Révolution scientifique et technique et qui avaient fait l’objet dès 1966 d’un traité international appelé « les pactes de New York » proclament les droits économiques sociaux et culturels ainsi que les droits civils et politiques. Ce traité n’est seulement entré en vigueur en France après le 1er février 1981…
Des développements sociaux et politiques devaient conduire à des affrontements au cours des années 1970 et 1980 à une mise en question du rôle des forces de police et de la justice qui tendait à criminaliser les manifestations et revendications des travailleurs lors des phases de désindustrialisation que nous avons connues.
Le droit au travail, au logement, à la santé, à la culture, aux loisirs, et autres entraient en contradiction avec le système institutionnel de la Vème République. Un mal-être s’est développé.
L’organisation judiciaire et la police n’ont pu régler ces questions qui ont trouvé leurs traductions dans les démarches individuelles de délinquance et collectives dans les puissantes manifestations que l’on a pu connaître.
Les moyens dont les institutions judiciaires disposent sont largement insuffisants en nombre de personnes notamment, donc en emplois.
Dans d’autres pays européens la justice dispose en personnel et en moyens de plusieurs fois ce que la France y consacre.
Dès 1971 dans « Changer de Cap », le PCF mettait en avant ces questions, et notamment pour l’enfance (qui inclut les jeunes adolescents).
L’exigence de l’abolition de la peine de mort était proclamée, les violences policières étaient déjà stigmatisées en exigeant notamment la présence de l’avocat dès la garde à vue. Il n’a pas été attendu Mitterrand ou Badinter….
En 1975 dans son projet de déclaration des libertés qui fut intitulé « Vivre libres », le PCF proposait même que toute personne arrêtée soit d’abord conduite devant un juge avec l’assistance d’un avocat, avant de décider de la suite ou non de sa détention et de la procédure…
Une nouvelle ère de la justice et du droit aurait pu naître.
Il était écrit : « La force publique instituée pour la garantie des libertés individuelles et collectives devra rester en permanence au service du peuple souverain ».
« Le rôle de la police doit être de veiller dans le respect du service public, à l’exercice des libertés et d’assurer la sécurité des personnes. Dans les départements et les communes, les assemblées élues seront associées aux mesures intéressant le respect de l’ordre républicain. Les policiers bénéficieront du statut de la fonction publique. »
Aussi l’intervention démocratique sur les missions de la police doit être constante, qu’elle soit d’origine parlementaire, des élus du suffrage universel, ou syndicale.
Il faut ici rendre hommage au ministre communiste Anicet LEPORS qui a beaucoup fait en ce sens….
Nous avons appris aussi que le 19 mai dernier le Conseil d’État avait sanctionné le gouvernement qui avait prétexté de l’état d’urgence sanitaire pour mettre en cause le droit du travail en matière d’attributions des anciens CHSCT.
Aujourd’hui l’appareil judiciaire comme celui de la police sont tous deux en difficulté. La responsabilité en incombe à toutes les politiques menées depuis des dizaines d’années visant notamment à esquiver la responsabilité de l’État de conduire le régime républicain tel que le proclame l’article 1er de la Constitution : « La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale ». L’article 2 mentionne la devise Liberté Égalité Fraternité.
On ne peut également qu’être attentif aussi à l’évolution de la profession d’avocat dont on sait la détermination qu’elle a eue dans la bataille inachevée de la réforme des retraites. Elle se revendique toujours comme auxiliaire de justice, interlocuteur naturel des magistrats pour une œuvre de justice humaine, selon son serment… pour atténuer — au moins — le jeu brutal des forces économiques du marché.
On ne pourra taire sur les questions de justice que selon le décret 47 — 1047 du 12 juin 1947 (nouvelle rédaction pour le 1er janvier 2020) les jugements sont rendus avec la formule suivante : « La République Française, au nom du peuple français, mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt (ou ledit jugement, etc.) à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis…. ». Et donc la police doit rester sous l’autorité de la Justice comme c’est le cas aujourd’hui : c’est le tribunal et la cour qui « mande et ordonne ».
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