Crises, alternatives, actions

Pas de vraie relance sans sécurité de l’emploi

Sécuriser l’emploi et la formation, c’est entamer une œuvre inédite dans l’histoire contemporaine de l’humanité, s’engager à éradiquer le chômage, ce qui suppose de mettre en œuvre une grande politique de création d’emplois dans l’industrie et les services, particulièrement dans les services publics. Par Pierre IVora

Pierre Ivora chroniqueur pour le journal l’Humanité a publié un texte sur la sécurité d’emploi.
Un lecteur l’a interrogé en ces termes :
« Je suis d’accord qu’il faut sécuriser l’emploi mais il y a quelque chose que je ne comprends pas dans ta publication comme souvent dans celle des camarades de la section économique je ne vois jamais ou rarement comme impératif de créer des emplois. »
Pierre Ivora a donc publier un second texte donnant des précisions.

Première chronique

Où va-t-on de ce pas ? Dans le fossé, si nous laissons faire nos gouvernants et les grands groupes capitalistes. Le FMI prédit une croissance mondiale faible pour longtemps et, pour 2020, un recul du PIB de -4,3 % aux Etats-Unis, de -9,8 % en France et au Royaume-Uni, de -6 % en Allemagne, de -5,3 % au Japon, … Seule, parmi les grands pays, la Chine pourrait tirer son épingle du jeu avec une croissance de +1,0 %. Les taux de chômage recommencent à flamber : en France, l’Insee prévoit qu’il sera de 9,7 %, à la fin de l’année, soit 1,6 point de plus qu’en 2019. Aux Etats-Unis et en Allemagne, dans la plupart des pays développés, le chômage s’envole. Tout part à vau-l’eau. Les déficits publics explosent, la dette publique française s’approche des 120 % du PIB. Il faut mesurer ce que cette grave récession induit : moins de croissance, c’est moins de recettes et plus de charges.

Face à ce désastre annoncé, on nous promet des centaines de milliards d’aides, de prêts, de subventions distribuées sans conditions véritables. Mais une relance pour qui et de quoi ? Celle annoncée vise à rétablir la rentabilité des grands groupes, aussi l’on peut craindre qu’elle soit contre l’emploi. On aide Renault et Air France alors que ces entreprises veulent supprimer des milliers de postes. En vérité, les libéraux qui nous dirigent considèrent que la défense de l’emploi ne peut être qu’un simple effet du retour des groupes à une forte rentabilité. Ils ne voient pas que la crise systémique du capitalisme et la révolution technologique qui commence imposent de poser le problème autrement.

L’emploi ne saurait être considéré comme un succédané de la croissance. Il est à la fois constitutif de l’offre et de la demande en matière économique. Côté demande, la consommation des ménages, c’est pour beaucoup celle des travailleurs et de leur famille. Côté offre, pour que celle-ci se redresse il faut certes que les entreprises recommencent à investir mais il faut aussi une force de travail compétente, suffisante, correctement rémunérée, apte à mettre en œuvre ces investissements. Et en raison des évolutions technologiques, elle doit être plus qualifiée, mieux formée. C’est aussi la qualité de l’emploi qui fait celle de la croissance. La révolution industrielle s’appuyait sur les machines, la révolution technologique actuelle principalement sur les capacités humaines, leur développement, la créativité,

La seule relance possible et souhaitable est celle qui permettra de réduire le coût du capital, de sécuriser l’emploi, de moderniser l’économie et qui s’appuiera sur de grands plans de formation. Changer de civilisation en éradiquant le chômage

Seconde chronique

Interpellé par un lecteur qui considère que dans ma chronique de la semaine dernière je traite avec raison de la nécessité de sécuriser l’emploi et la formation particulièrement en cette période de crises très violentes, mais que je ne dis mot du besoin de créer de nouveaux emplois, condition impérative pour assurer cette sécurité, que puis-je répondre ? Sécuriser l’emploi, c’est certes protéger les emplois existants dès lors qu’ils sont toujours adaptés à la production moderne. En effet, il ne s’agit pas de figer la structure des emplois, certains d’entre eux étant dépassés par les évolutions technologiques. Sécuriser l’emploi, pour les salariés occupant un poste de travail au sein de ces activités devenues obsolètes, cela consisterait, tout en leur assurant un bon salaire ou un bon revenu, à leur proposer un autre emploi ou une formation leur permettant à terme d’occuper un nouvel emploi.

En second lieu et surtout, sécuriser l’emploi et la formation, c’est entamer une œuvre inédite dans l’histoire contemporaine de l’humanité, s’engager à éradiquer le chômage, ce qui suppose de mettre en œuvre une grande politique de création d’emplois dans l’industrie et les services, particulièrement dans les services publics. Une telle ambition nécessite que soit instituée une véritable maîtrise sociale de l’argent et des ressources. Les banques, aussi bien les banques centrales que les banques commerciales, sont appelées à ce titre à jouer un rôle décisif.

Actuellement, la France, l’Europe, le monde sont au bord du gouffre et avec le plus souvent l’imprimatur des gouvernements, l’ensemble des institutions nationales, régionales, mondiales de création monétaire, chargées de financer l’économie, continuent dans une belle unanimité, comme devant, à financer des opérations financières spéculatives, des OPA sur des concurrents, des délocalisations, des exportations de capitaux, des restructurations contre l’emploi. Changer les critères d’affectation de l’argent, c’est dès lors la grande œuvre révolutionnaire de notre temps en vue de permettre l’accès de tous les peuples aux biens communs de l’humanité – l’éducation, la santé, le climat, une rémunération du travail permettant de vivre correctement.

Un tel changement, ne pourra pas advenir seulement à la suite de décisions prises au plus haut sommet des Etats. Il ne pourra se réaliser que grâce au concours populaire, à l’action des salariés dans les entreprises afin d’infléchir l’utilisation des prêts et des ressources. Eradiquer le chômage, c’est ainsi franchir un pas de géant dans la création d’une nouvelle civilisation.

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