Conseil National

Interventions au conseil national du PCF du 9 Juillet 2020

Nous publions les interventions de Frédéric Boccara, Jean-Marc Durand, Denis Durand et d’Évelyne Ternant. Plusieurs de ces interventions traitent du débat sur la situation de l'élection municipale de Vitry-Sur-Seine.

Nous publions les interventions de Frédéric Boccara, Jean-Marc Durand, Denis Durand et d’Évelyne Ternant.
Plusieurs de ces interventions traitent du débat sur la situation de l’élection municipale de Vitry-Sur-Seine. Article de l’Humanité résumant la situation.

Table des matières

Intervention Jean-Marc Durand, sur le débat de Vitry-Sur-Seine

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Tout d’abord je ne pensais pas commencer mon intervention de cette façon mais c’est celle de Pierre Laurent qui m’y conduit.

Il me semble en effet, qu’en tant que président du Conseil National, il aurait dû dans l’exercice de sa responsabilité, faire preuve de plus de retenue dans ses propos. Son rôle est de maintenir la cohérence de notre conseil national et plus globalement, de préserver la cohésion entre ses membres ; ce qui concerne en fait tout le parti. Son rôle n’est pas de jeter de l’huile sur le feu, surtout face à une pareille situation. Or, il prend totalement parti pour la direction fédérale du 94 et il affiche son entier soutien à la présentation des événements effectuée par le secrétaire départemental du 94 ainsi qu’à la motion qu’il vient de proposer ici même. Une présentation qui emploie des termes outranciers et désigne sans ambiguïté Pierre Bell Lloch et ses camarades comme seuls coupables. Une Motion qui appelle à prononcer une exclusion de P. Bell Lloch et de Fabienne Lefèvre de leurs responsabilité politiques à tous les niveaux du parti ainsi qu’à la démission du maire et des communistes élus au conseil municipal de Vitry. Pourtant comment imaginer en être arrivé aux évènements que l’on sait, sans qu’il existe un problème sérieux quelque part ? Et c’est d’abord ce problème qui devrait être exposé et traité. Disons qu’en la circonstance, le choix du président du Conseil national est plutôt entaché d’un net parti pris au lieu du souci d’éclairer le CN et d’essayer de faire comprendre aux camarades la nature des enjeux en présence et la réalité de la situation.

Nous assistons dans les faits à une sorte de manipulation/instrumentalisation du Conseil National. Laisser se produire une telle chose n’est pas compréhensible de la part de son président.

Depuis que je participe au Conseil National, c’est la première fois que cette instance est quasiment mise en demeure de prendre position sur une question qui touche à la vie interne d’une fédération. Il est ainsi demandé au CN de jouer le rôle d’un tribunal devant prononcer sur le champ des sanctions directes contre des camarades. Nous assistons en quelque sorte à un procès stalinien, qui plus est, totalement à charge, les accusés n’étant même pas présents pour se défendre et exposer leur propre analyse de la situation.

Car en ce qui me concerne par exemple, si je dispose de quelques éléments de compréhension du problème vitriot, je suis loin d’être en possession de tous les tenants et les aboutissants et me demander de me prononcer sans autres éléments d’information que des accusations parfois très violentes, est pour moi quelque chose de très difficile et d’incompréhensible. Car il me semble tout de même que ce problème renvoie au moins à trois questions sur lesquelles il serait bienvenu de se pencher :

  • Une crise politique qui traverse tout le pays, qui concerne toutes les forces politiques et qui, depuis trente ans touche aussi profondément notre parti sans que nous semblions véritablement décidés à prendre les dispositions nécessaires pour la dépasser.
  • La relation entre élus et parti avec une évolution de ce dernier vers une conception de plus en plus électoraliste de son action, induisant une autorité de plus en plus grande des élus sur le parti avec les conséquences en matière de démocratie. Le respect de l’avis des communistes en est souvent profondément altéré avec en retour un désintérêt de ceux-ci pour la chose électorale, ne s’y intéressant qu’à la « veille » des élections et souvent n’intervenant que comme des « petites mains » sans qu’on recoure à leur réflexion et à leur capacité à être une force de propositions en termes de programme et de bataille politique.
  • Une dépolitisation des temps électoraux ayant pour conséquence de faire passer au premier plan les personnes et les jeux d’alliances de sommet sans contrôle réel des adhérents ce qui favorise la constitution de véritables baronnies de plus en plus éloignées des centres d’intérêt, des aspirations et des besoins des populations, rendant chaque fois plus difficile notre réélection ou des conquêtes nouvelles.

C’est pourquoi je prône l’apaisement de la situation. Ce qui passe par la possibilité pour chaque membre du CN de disposer d’une information contradictoire sur ce qui a réellement lieu à Vitry, particulièrement sur les origines et les causes du problème actuel. Cela exclut de traiter les camarades de tous les noms d’oiseaux, de présenter une version univoque de la situation et tout spécialement que le conseil national ait à se prononcer sur la motion de la direction de la fédération du Val de Marne qui loin de présenter une possibilité d’issue positive, envenime très fortement les choses et tend finalement à prendre la direction nationale du parti en otage.

Intervention de Frédéric Boccara, sur le débat de Vitry-Sur-Seine

Je ne comptais pas intervenir dans ce débat. Mais je me sens tenu de le faire vu les proportions et le ton qu’il prend ici.

Nous avons une responsabilité de direction nationale qui est de ne pas jeter de l’huile sur le feu. D’une part, nous devons voir les questions politiques. D’autre part nous ne devons pas nous prononcer ici alors que nous n’avons quasiment pas d’informations directes.Sur le fond, il s’agit de prendre de la hauteur. La question de fond, c’est celle de la relation entre les militants communistes et les élus. Et nous devons avancer dessus. D’un côté les élus expérimentent des contraintes dites « de gestion » sur lesquelles souvent ils n’arrivent pas à se faire entendre des militants. De l’autre côté les militants posent les questions en termes « de luttes » et déplorent le manque de dialogue avec les élus lorsqu’ils sont situés en position de gestion. Les deux aspects sont tout aussi importants. Nous voulons à la fois gérer et lutter, être un parti révolutionnaire qui ne se coule pas purement dans les institutions, mais aussi conquérir des pouvoirs dans les institutions, pas seulement pour y avoir une tribune (même si c’est très important) mais aussi gérer, gagner par la gestion tout ce qui permet d’avancer, d’améliorer la vie des « gens », avec les intéressés eux-mêmes, avec la conception de la démocratie qui est la nôtre. N’oublions pas que Vitry est une des rares villes à direction communiste où le maire d’alors Jean-Claude Kennedy a accepté la « contractualisation » du budget … Et déjà une partie importante des communistes exprimait son désaccord car cela revient à imposer une forme d’austérité prétendument consentie !. La question est, je crois, pour nous, conseil national, d’organiser, de permettre un véritable dialogue de gestion et de lutte entre élus et militants. C’est d’autant plus important avec les enjeux qui sont devant nous : la crise qui va monter et les différentes échéances électorales, départementales et régionales, puis présidentielle et législatives.

Le 38è congrès n’a pas permis que nous ayons cette discussion, que nous nous posions collectivement ces questions. Le texte de congrès, le Manifeste, les abordait pourtant. Mais c’est ainsi. Et depuis, je l’ai souvent déploré, il n’a pas été recherché d’avancer sur l’appropriation collective par les communistes du texte de congrès, appelé familièrement « Le Manifeste », ni de pousser nombre des débats nécessaires. C’est ainsi en tout cas, à la date d’aujourd’hui.

Pour ce qui concerne les faits, un maire communiste a été élu, et ceci de façon démocratique, avec la majorité absolue dès le premier tour et apparemment la majorité des élus communistes du conseil municipal ont voté pour lui.

Pour le reste, bien sûr, j’ai des informations, j’ai des amis à Vitry des différents côtés. Depuis très longtemps. Un fait important à mes yeux, c’est que la direction de section – son secrétariat – s’est réunie pour décider de la conduite à tenir. Et pour moi c’est très important, car une instance de direction élue par les communistes qui a décidé, même si c’est dans l’urgence bien évidement. Mais on va peut-être me dire : tes informations sont partielles. Et je l’entends. C’est pourquoi nous ne pouvons pas décider ici à la place des communistes de Vitry.

Nous sommes la Direction nationale ici. De ce point de vue, je désapprouve le fait qu’une déclaration signée « Direction nationale » ait été produite dès le samedi de l’élection du maire communiste de Vitry sur Seine. Cette instance n’existe pas. Est-ce le CEN ? Je suis membre du CEN, or il n’a pas été consulté ni réuni pour cette déclaration. Est-ce le CN ? Je suis membre comme vous du CN, or il n’a pas été consulté ni réuni pour cette déclaration. Donc cette déclaration, qui met de l’huile sur le feu, n’existe pas.

Nous n’avons pas à approuver ou à condamner. Nous avons à mener un travail politique. Nous avons à permettre aux communistes de se mobiliser pour les batailles qui sont devant nous, à commencer la résistance à la crise et la riposte. C’est pourquoi je demande en amont un vote où les membres du CN peuvent exprimer s’ils jugent opportun de se prononcer ici ou non, et avec aussi peu d’information, sur le cas de Vitry, et en l’absence des principaux intéressés, pourtant membres de notre instance.

Intervention n°2 de Frédéric Boccara (débat de « politique générale »)

La crise va décupler dans les semaines qui viennent. Je parle de la crise économique et sociale, et ceci sans préjuger d’une possible seconde vague épidémique de Corona virus à l’automne. A la fin de l’année, selon les prévisions économiques, nous aurions 2 millions de chômeurs supplémentaires si rien n’est fait ! La crise économique et sociale avait commencé avant le confinement, les fins de CDD et de missions d’intérim ont généré presque un million de chômeurs, et avec l’automne, l’effectivité des plans de licenciements et les difficultés des PME/TPE, le second million peut vite arriver.

Alors bien sûr, il y a une sorte de sidération sociale, de moment d’attente. D’attente et de fatigue, un peu comme après le « lâche soulagement » qui a suivi les accords de Munich en 1938…

  1. Expliquer, démasquer

Il nous faut donc argumenter : ils ont lâché sur la masse d’argent à mettre et, même, en apparence sur la nécessité de sécuriser les gens (en partie le revenu et l’emploi). Mais il nous fait dire très haut : « ils disent eux-mêmes qu’ils ne lâchent que transitoirement. Ils autorisent les plans sociaux, qu’ils accompagnent et qui vont générer des centaines de milliers de chômeurs. D’ailleurs ils ont laissé faire le premier million de plus. Macron et ses gouvernements successifs, ne font pas ce qu’ils peuvent. Ils soutiennent le capital et les profits, et encouragent la précarité. » Il faut mettre en cause leur type de mondialisation, comme nous avons commencé à le faire dans l’initiative nationae qui s’est tenue en févier ici mêmes et dont je vous invite à prendre connaissance du compte-rendu dans Economie et Politique. Dire cela, c’est très différent que de prétendre que la crise est due à un problème de frontières ouvertes, de « mondialisation ».

Nous pouvons aviver la colère sur le fait que des masses d’argent sont déversées sur les entreprises… sans aucune condition ! Cette colère sourde des tréfonds de notre société, comme de responsables provenant d’un très large éventail. J’ai pu le constater tant autour de moi qu’au CESE. Nous devons utiliser cette colère pour faire comprendre, expliquer démasquer. Lui donner un sens et avancer des alternatives :

  • Cet argent, c’est l’argent de tous, il doit être au service de la collectivité, pour que l’Etat agisse sur les entreprises et les banques et pour développer les services publics
  • Il faut une autre mondialisation, de coopération, face au Corona virus, et face aux multinationales, ce qui implique de tout autres traités que les traités actuels comme le CETA, TAFTA et autres, ce qui implique une création monétaire mondiale au service de la coopération, d’autres règles européennes de coopération, mais aussi une autre gouvernance mondiale
  1. L’heure des capacités humaines… !

Donner du sens, c’est insister sur le besoin absolu de mettre les capacités humaines au cœur de toutes réponse. Au lieu de mettre le capital. Car les capacités sont décisives, et le sont devenues plus que jamais avec la révolution informationnelle.

Car les travailleurs ont montré leur rôle décisif face à l’épidémie et durant le confinement. Il faudra bien les mettre au centre et qu’ils conquièrent des droits et pouvoirs nouveaux. C’est le sens de l’histoire. De de même que les soldats de l’an II qui avaient sauvé la République et la Révolution ont conquis une citoyenneté nouvelle, de même que les hoplites athéniens sauvant la République ont conquis des droits démocratiques inédits.

Car le travail a changé : son contenu, son sens qui doit être partagé pour être efficace et, peut-être surtout, le rôle de la créativité humaine des travailleuses et travailleurs de vient décisif.

Bref, les capacités humaines sont au cœur du défi écologique, qui exige inventivité, formation, créativité. Les capacités humaines sont aussi au cœur des besoins de vie, d’un travail à la fois épanoui, produisant de bonnes richesses en quantité suffisante, et pour ne pas s’épuiser à produire sans sens. Elles sont au cœur de l’exigence de réduction du temps de travail liée au besoin de temps de vie, de temps de formation, mais aussi de temps pour la démocratie !

  1. Des milliers de milliards… pour quoi pour qui ?

Il ne faut pas se faire avoir par le discours du gouvernement qui parle de 500 mds. D’une part il gonfle ces 500 milliards en comptant dedans des engagements de garantie des prêts qui e sont pas une dépense (environ 400 Md€) d’autre part il ne compte que la dépense budgétaire de l’Etat et omet les milliards de la BCE !! Celle-ci met 1.500 milliards pour les dépenses publiques (« quantitative easing ») : ils doivent aller aux services publics. Elle met de l’autre côté 3.000 milliards dans les banques : ils doivent financer un crédit pour les investissements développant l’emploi les richesses créées, écologiques. Ils ne doivent pas financer la spéculation ou les investissements détruisant les emplois, voire les délocalisations ! La France représente environ 20% de la zone euro, c’est donc peu ou prou 900 milliards supplémentaires qui sont déversés dans notre économie (exigeons que cela fasse 300 milliards pour les services publics et 600 milliards pour un tout autre crédit bancaire aux entreprises !). C’est de cette façon que nous affronterions la crise et c’est de cette façon que cette masse énorme d’argent ne nourrira pas l’inflation, y compris financière, ni la crise écologique parce que la condition est qu’une production suffisante et écologique soit effectuée en contrepartie !

  1. Politiser, politiser face au résultat des élections municipales

Il nous faut collectivement trouver les voies pour politiser la bataille : mobiliser les communistes sur les batailles sociales mais aussi sur les institutions. C’est dire si en pratique nous devons avancer sur la relation main dans la main entre militants et élus, pour une intervention démocratique populaire pas seulement protestataire mais débouchant sur une autre action des institutions publiques. Ou sur leur mise en cause pour une autre politique.

La politisation, c’est ce qui a fait cruellement défaut aux élections municipales. Et la responsabilité en revient à nous, notre collectif de direction que doit être le Conseil national.

D’autant plus que les résultats nationaux des élections municipales semblent faire ressortir, en pourcentage, un renforcement de la droite au-delà des grandes métropoles conquises par la gauche et les écologistes.

De notre côté, face la crise du PCF est engagée déjà depuis un certain temps. Avec d’une part le recul du nombre d’habitants vivant dans des villes administrées par un maire PCF, mais d’autre part des reconquêtes importantes (Villejuif, Bobigny, Noisy Le Sec, et d’autres), et qui sont le fruit d’un travail tenace et patient de sections et fédérations du parti, ces élections montrent qu’il s’agit bien de crise, dont l’issue est ouverte, et non pas de déclin.

Le 38è congrès a cherché à mettre un terme à cette crise, mais cela peut prendre un temps car elle poursuit en partie sur son erre, d’autant que les efforts de direction sont contradictoires. Il nous faut analyser en détail les résultats et ne pas se voiler la face.

En particulier, ne laissons pas orienter le débat politique et l’interprétation des élections sur « rassemblement ou pas ». Sinon les errements des décennies précédentes vont se poursuivre.

La question qui devrait polariser le débat politique est celle de l’utilisation de l’argent pour les besoins humains : écologie et emploi ! Ce qui pose trois enjeux à mettre en cohérence : démocratie nouvelle (pouvoirs), sens (travail, emploi, hors travail), action sur les entreprises et les services publics (produire quoi, comment, quels investissements, quelles technologies, ..).

Notre stratégie, par exemple aux régionales, pourrait s’inspirer de la façon dont les écologistes ont mis au centre du débat qu’il faut leur confier leviers institutionnels sur l’écologie (vice-présidences régionales, etc.). Nous, nous pourrions installer le fait que les communistes doivent être en charge de l’utilisation de l’argent dans les entreprises, avec des institutions démocratiques nouvelles : des Fonds en levier sur les entreprises et les banques. Cela ne me gênerait pas qu’on nous appelle des « fondistes » : des fonds partout, comme hier des « soviets partout » ! Des fonds cela veut dire des nouvelles institutions et de l’argent à la fois, et agissant sur l’économie, de nouvelles institutions démocratiques pour agir sur l’économie… C’est toute une nouvelle cohérence entre pouvoirs, moyens et objectifs de société que nous pouvons porter.

  1. Une candidature communiste aux présidentielle pour un apport de l’originalité communiste et pour construire un grand mouvement populaire et citoyen contre la domination du capital

Prenons la colère, organisons-la, pour l’orienter vers du nouveau, vers des institutions nouvelles. Pas vers la haine de l’autre, du voisin, de celle ou de celui jugé différent comme le préconise le RN, mais aussi les fédéralistes européens !… Répondons aussi au désarroi de celles et ceux qui pensent qu’il n’y aurait rien d’autre à faire que, soit laisser faire, soit se soumettre au capital qui va nous laisser quelques miettes avec Macron aujourd’hui ou la droite demain.

Le sens de notre bataille c’est toute cette originalité communiste nouvelle, inscrite d’ailleurs dans le texte de congrès, Le Manifeste, toujours pas publié par la Direction nationale… !

Ayons confiance, cette originalité communiste, « c’est le moment » où elle peut être entendue. Rien n’est plus fort qu’une idée arrivant au bon moment, comme l’écrivait Victor Hugo.

C’est dire l’importance de l’originalité communiste, non seulement pour la gauche mais aussi pour notre pays.

C’est par ce type de bataille que nous pouvons construire les conditions d’une candidature communiste à l’élection présidentielle (notre engagement de congrès), à la fois pour marquer cette élection dans un paysage dominé, pour le moment, par les droites, et pour construire pour la suite ce grand mouvement populaire et citoyen contre la domination du capital pour l’emploi et la dignité de toutes et tous. Il s’agit de construire en France, en Europe et dans le monde de nouvelles sécurités émancipatrices.

L’intervention de Denis Durand

Le taux record d’abstention aux élections municipales témoigne de l’approfondissement de la crise politique. La crise n’épargne pas notre parti, avec deux aspects contradictoires : d’une part le lent épuisement d’un modèle périmé de relations entre les élus et le Parti s’accélère. D’autre part, la preuve est administrée qu’un redressement est possible. C’est à la lumière de ce fait politique qu’il faut analyser la situation à Vitry si on veut, comme l’affirme le rapport, rétablir la sérénité dans le département, dans le respect des communistes de Vitry et de leurs décisions. Dans les plus grandes villes, des coalitions de gauche, auxquelles nous contribuons de tout notre apport militant, ont pu l’emporter sur la droite et sur l’extrême-droite. Mais la portée de ces victoires doit être relativisée au regard de l’abstention massive de l’électorat populaire – ce qui devrait être notre électorat. Or, c’est bien d’une mobilisation convergente de ces couches populaires et des couches moyennes que nous aurions besoin pour résister à la crise et pour faire des prochaines échéances électorales un moment de reconquête, pour une alternative aux politiques inspirées par la domination du capital. Le déferlement des plans de suppressions d’emplois dans les grands groupes, avec le soutien actif du gouvernement, ne peut plus être ignoré, ni l’onde de choc qu’il produit sur l’ensemble du tissu économique et social. Face au désespoir que cultive Macron en constituant un gouvernement voué à rendre encore plus violente cette agression contre notre peuple, il dépend de nous d’ouvrir un débat à gauche. Les Françaises et les Français ne jugeront pas crédible une gauche qui prétendrait garantir pour tous un revenu universel en se résignant à ce que 20 % de la population soit privée par le chômage de contribuer à la création de richesses ; une gauche qui espérerait réparer les dégâts sociaux du capitalisme par la fiscalité ; une gauche qui prétendrait combattre le réchauffement climatique en excluant le recours à l’énergie nucléaire ; qui ferait comme si la révolte mondiale de la jeunesse contre le racisme n’avait rien à voir avec des choix économiques qui font exploser les discriminations en rejetant une génération entière dans le chômage et la précarité ; quiferait croire qu’un repli national protégerait notre peuple contre les méfaits de la mondialisation capitaliste, alors que la pandémie vient de montrer combien chaque être humain, sur la planète, a besoin de tous les autres… Pour gagner, pour permettre le rassemblement, il est vital que nous participions activement au débat à gauche pour dépasser les oppositions métaphysiques entre Etat et marché, entre « fin du mois » et « fin du monde », entre « social » et « sociétal »… il faut une force qui montre où est l’adversaire – le capital – et qui montre la cohérence des luttes et des constructions institutionnelles à lui opposer. Une force qui aide les luttes sociales en affirmant de façon intransigeante que la crise ne justifie aucun chômeur supplémentaire, au contraire, qu’il faut ouvrir bien plus largement l’accès à la formation pour préparer l’avenir de nos filières économiques et pour permettre à chacune et à chacun de créer les richesses nécessaires à la sécurisation des revenus de tous. Une force qui fasse la lumière sur la mauvaise utilisation de l’argent au service de la rentabilité capitaliste, et sur les nouvelles orientations du crédit, de la politique monétaire, de la fiscalité et des dépenses publiques qui permettront d’atteindre les objectifs sociaux et écologiques dont dépend la survie de la civilisation. Une force agissante, dans les luttes, dans les territoires, pour arracher au capital le pouvoir de décider de cette utilisation de l’argent. Il ne suffit pas d’un candidat ou d’une candidate communiste à l’élection présidentielle pour que cette bataille soit menée : nous le savons depuis 2007. Mais nous savons aussi, depuis 2017, que s’il n’y a pas de candidat ou de candidate communiste à l’élection présidentielle, ces idées ne seront pas défendues. Il faut donc les deux, la candidature et les idées. En créer les conditions, comme nous l’avons décidé au congrès, se décide dans la rude bataille contre le capital et contre le déferlement des plans de suppressions d’emplois et de réduction du coût du travail. Malgré notre affaiblissement, nous en avons les moyens, comme nous avons eu les moyens de mener la bataille des élections municipales. La campagne pour l’emploi qui fera l’objet du conseil national de début septembre fait partie de ces moyens. Elle donne dès cet été lieu à des initiatives qui devront converger vers une manifestation nationale à Paris.

L’Intervention d’Evelyne Ternant

[Cette intervention, qui porte sur la nécessité d’une bataille politique nationale sur  les questions de l’énergie, au travers de la situation de l’entreprise Général Electric et de ses projets de réduction d’effectifs et de fermetures de sites en France, n’a pas pu être prononcée, du fait du débat sur la situation à Vitry, initié par des membres de la fédération du Val de Marne, dont le temps n’a pas été limité. L’intervention sera néanmoins publiée dans le compte rendu officiel du CN]

La violence de la crise, que nous annonçons depuis plusieurs mois, n’est plus de l’ordre de l’anticipation. Elle est là, et menace de détruire des vies, des territoires entiers, et de priver durablement le pays de capacités humaines pour répondre aux immenses besoins sociaux et écologiques.

Elle impose que l’énergie militante du parti soit dirigée sur des batailles politiques qui ne soient pas que le soutien défensif de l’emploi, mais qui, sur la base des mobilisations locales, soient conjuguées et mises en cohérence dans des campagnes nationales portant le projet de transformer les rapports économiques en faisant reculer les pouvoirs du capital et unifier le salariat.

La situation actuelle de GE justifie une telle bataille politique nationale, car elle concerne un bien commun vital : la fourniture d’électricité, qui touche au quotidien de chacun, dont l’enjeu est qu’elle ne devienne pas un bien rare et cher, et que notre pays sorte d’une situation de dépendance extérieure lourde de menaces pour exercer des choix souverains.

Car GE détient des capacités de production essentielles à la filière de production de l’électricité : hydraulique, turbines à combustion, turbines équipant les centrales nucléaires, éolien, conversion et réseaux. C’est toute la cohérence et les savoir-faire d’une filière qui fournit 1/3 des équipements européens qui sont menacés de dislocation et de destruction.

Suite aux choix stratégiques depuis plusieurs années, par la direction de la multinationale de faire du cash, en détruisant des cohérences de recherche et de production, la situation financière de GE est critique, aggravée avec l’effondrement de la branche aéronautique (avec notamment l’échec du Boeing 737MAX) et la crise sanitaire,

Une grande réorganisation/restructuration est annoncée pour septembre, avec des fermetures de site en projet. Villeurbanne (69), Belfort (90), Grenoble (38), Aix-les-Bains (73), Champigneulles (54), comme des établissements de la région parisienne (Massy, Villebon, la Courneuve) sont potentiellement concernés. Plusieurs milliers parmi les 13000 emplois en France sont concernés.

Les pistes de diversification dans le développement de l’hydrogène, qui sont annoncées notamment pour Belfort, ne sauraient justifier la destruction de capacités de production d’équipements incontournables aujourd’hui et pour lesquelles les sites français disposent encore d’une excellence industrielle.

En fait tout serait à vendre chez GE. Et la cession de la partie Steam (centrales nucléaires) est de plus en plus concrète avec des industriels qui commencent à se positionner en réunissant des tours de table impliquant des groupes étrangers.

Le moment est donc venu de construire une grande bataille politique du parti communiste pour

-arrêter l’hémorragie d’emplois et de compétences

-rassembler pour une réappropriation publique de l’ensemble de la filière productive pour d’autres critères de gestion, fondés sur l’investissement, l’emploi, la qualification.

Il en va de l’approvisionnement en électricité de la France et de l’Europe, comme des choix souverains en matière de mix énergétique, car il n’y aura pas de transition énergétique sans maîtrise industrielle, pas d’écologie sans industrie.

Cette bataille pourrait à la fois s’appuyer sur la mobilisation des organisations du parti pour faire connaître largement l’enjeu de l’industrie de l’énergie, avec par exemple

-une carte-pétition diffusée dans les fédérations,

-une interpellation insistante du gouvernement par les groupes parlementaires.

Rappelons que le dossier est politiquement sensible en raison de l’implication de Macron dans la vente de la branche énergie d’Alstom à GE. La dimension de scandale d’état, le caractère stratégique de la fourniture d’électricité, et l’exigence citoyenne de maîtriser les choix en matière de mix énergétique, sont des points d’appui importants.

Le parti est la seule force politique à pouvoir impulser cette bataille aujourd’hui, compte tenu du rapport à l’industrie des autres forces de gauche, et à le faire dans toutes ses dimensions de mise en cause des pouvoirs du capital et de cohérence de filières entre services et industrie.

Ce sont ces batailles de fond qui donneront du sens à une candidature communiste à la présidentielle.

1 comment on “Interventions au conseil national du PCF du 9 Juillet 2020

  1. Bailanger Stéphane

    Municipales 2020 – Motion en soutien aux camarades de Vitry
    Cellule PCF Chemin-Long (33700)

    « Nous communistes de la cellule Eyquems-Chemin-Long de Mérignac (33) souhaitons manifester notre solidarité aux communistes de Vitry.

    Il ne nous appartient pas de prétendre régler un conflit qui a fait grands bruits dans le landerneau communiste et dont la résolution appartient à nos camarades de Vitry.

    Il nous appartient néanmoins de manifester notre désaccord quand des manœuvres d’appareil au niveau d’une fédération viennent remettre en cause la souveraineté des adhérent(e)s et d’une majorité municipale. Si les statuts du Parti ont été respectés et le code électoral aussi, alors le rôle d’une direction fédérale ne peut être que de favoriser dialogue et apaisement et non de déléguer des préfets pour mettre au pilori des camarades.

    Nous sommes opposés aux dérives d’un système qui reproduit à l’échelle locale la personnalisation politique – que nous condamnons pourtant au niveau national – au point d’oublier la nature d’un scrutin où l’on vote pour une liste et non pour un seul homme. Au risque d’accentuer une forme de « baronnisation » détestable. La forme choisie par la majorité d’élus communistes et partenaires de Vitry peut surprendre, on peut la déplorer. Ce qui importe, c’est de comprendre pourquoi ils en sont arrivés à cette conclusion face à ce qui peut conduire un édile à se croire au-dessus de ses camarades et des accords qui ont été passés dans le cadre de la campagne électorale.

    Au-delà de Vitry, cette problématique se pose à différentes échelles, il faut avoir le courage du débat démocratique dans le Parti, loin de la langue de bois et de l’hypocrisie.

    Le PCF est le Parti de ses adhérent(e)s et non pas le Parti de ses élu(e)s. »

    A Mérignac, le 12 juillet 2020

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