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Salaires et pouvoir d’achat : un enjeu de classe !

Salaires et pouvoir d’achat sont un des sujets d’inquiétude prioritaires des français. Il faut garder en tête que l’une des raisons principales, sinon la cause principale du déclenchement du mouvement des gilets jaunes, et cela quelles qu’en aient été les formes d’expressions, était le pouvoir d'achat.

Salaires et pouvoir d’achat sont un des sujets d’inquiétude prioritaires des français. Il faut garder en tête que l’une des raisons principales, sinon la cause principale du déclenchement du mouvement des gilets jaunes, et cela quelles qu’en aient été les formes d’expressions, était le pouvoir d’achat. Finalement quoi de plus logique alors que depuis les années quatre-vingt, la part des salaires dans la valeur ajoutée a chuté de dix points. Et en 2013 il aura dû s’écouler 15 ans, donc y compris l’épisode de crise 2008-2009 auquel d’ailleurs la baisse de la masse salariale n’aura pas été étrangère, pour que la part de la rémunération des salariés dans le revenu des entreprises retrouve son niveau de 1998 (59,3 %). Par contre sur la même période,la part des dividendes dans le revenu des entreprises a doublé, passant respectivement de 4,6 % à 9,5 %, une tendance qui s’est poursuivie les années suivantes.

Une autre donnée vient confirmer l’évolution globale de la politique salariale dans notre pays au cours de ces dernières années, c’est l’évolution de l’indice fonction publique. Celui-ci n’a quasiment pas évolué depuis 10 ans. Bloqué depuis le 1er juillet 2010, le point d’indice fonction publique a connu un bref déblocage en 2016 et 2017 (+0,6% au titre de chacune de ces années). Mais depuis le gel est à nouveau de mise. Cette politique des salaires dans la fonction publique a engendré un décrochage de plus en plus grand entre les niveaux de qualification initiale et acquises en cours de carrière et le montant des rémunérations servies. Les nouvelles technologies, particulièrement les technologies informationnelles, utilisées pour mettre en œuvre une sorte de nouvelle taylorisation du travail tendant en apparence à gommer les niveaux de qualification nécessaire pour accomplir les missions de service public, ont participé à endiguer les revendications salariales parmi les agents publics alors que le niveau du salaire d’entrée en catégorie C dans la fonction publique se situe en-dessous du SMIC. Ainsi, après l’augmentation de 2,1% du Smic en décembre 2017, le gouvernement s’est vu contraint d’accorder une indemnité différentielle à près de 900 000 agents du public dont les revenus se situaient en-dessous du salaire minimum. Il faut en outre savoir que la rémunération de fin de carrière de la catégorie C, ne représente que 1,38 Smic. Mais cette situation n’est pas propre au secteur public. Dans le privé, le nombre de travailleurs pauvres a explosé notamment avec la mise en place dans certaines branches professionnelles de grilles de minima de salaires démarrant en-dessous du SMIC. C’est par exemple la cas dans la métallurgie qui participe ainsi à une « smicardisation » des revenus par ailleurs largement encouragée par les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires.

Le troisième élément ayant concouru à la dégradation du pouvoir d’achat des salariés et retraités est l’augmentation des prélèvements mis à leur charge. On peut tout d’abord parler de la pression fiscale avec notamment une montée en puissance considérable des prélèvements indirects, c’est-à-dire essentiellement de taxes sur la consommation et le plus souvent au nom de la préservation de la planète. Ainsi le taux normal de TVA est passé à 20%, cette taxe rapportant au total 164 Mds € -Etat et régions-. Fin 2018 quelques 64,5 Mds € étaient prélevés sur les ménages au titre de diverses taxes dont la taxe intérieure sur les produits énergétiques (TICPE), soit quelques 35 Mds €, mais aussi comme la contribution au service public d’électricité (CSPE) 7,7 Mds € qui permet de financer au détriment d’EDF les installations privées d’éolien et de photovoltaïque ainsi que la taxe sur la consommation finale d’électricité (TICFE) 7,8 Mds €, taxes que tout le monde supporte sans s’en apercevoir ! A cette hausse de la pression fiscale sur les ménages notamment de niveau modeste et moyen, s’est ajouée une augmentation des cotisations sociales ou dites de solidarité comme la CSG mais aussi des cotisations mutualistes ainsi que le déremboursement de certains médicaments…

Voilà globalement les rasions de la colère. Une colère justifiée comme les revendications qui s’expriment en matière de rémunérations et qui portent l’exigence d’une révision profonde des politiques salariales particulièrement distordues par les pratiques du salaire au mérite, la non reconnaissance des qualifications ainsi que par la pression que permet d’exercer sur la masse salariale l’utilisation massive des nouvelles technologies pour supprimer et précariser les emplois. Une autre réponse devient urgente. Elle passe par l’activation de deux paramètres. Tout d’abord il s’agit d’engager un rattrapage des pertes de pouvoir d’achat supportées depuis plusieurs dizaines d’années. On peut estimer que cette revalorisation se situe dans une fourchette basse entre 250 € et 350 € mensuel. On pourra utilement rappeler que l’extraordinaire lutte des agents du Ministère des finances en 1989, portait la revendication d’une remise à niveau salariale entre 1500 Francs et 2000 Francs. Toute chose égale par ailleurs, c’est sensiblement le même delta que l’on retrouve aujourd’hui. Mais là ne s’arrête pas le processus de mise à niveau salariale. Ce rattrapage est à concevoir comme un acompte à valoir dans une refondation à la fois beaucoup plus vaste et plus précise qu’est, à partir de la prise en compte des niveaux de formation initiale et de l’évaluation des acquis professionnels dont fait intégralement partie la formation professionnelle de cours de carrière, la reconstruction de grilles de rémunérations indiciaires et/ou hiérarchiques assurant une véritable égalité salariale entre les femmes et les hommes. Une échelle rénovée des salaires pourrait s’établir à partir du minima de 1800 euros bruts mensuel, niveau du SMIC revendiqué par la CGT et être ainsi graduée de 1 à 12, niveau maximal de rémunération. Il s’agirait ensuite de définir sur cette échelle les seuils où situer les différents niveaux d’entrée en fonction de la formation initiale et des fonctions correspondantes.

C’est ainsi que devrait se travailler une véritable reconquête salariale, véritablement inséparable d’une reconnaissance des qualifications mise en œuvre par chaque salarié.e. On ne peut augmenter les salaires de base sans toucher à l’ensemble des autres rémunérations. D’une part parce que tout le monde a perdu du pouvoir d’achat, de l’autre parce qu’il existe une vraie différence de qualifications requises et exercées selon les activités de chaque travailleur et cela doit être reconnu dans les grilles de rémunérations. Enfin n’augmenter que les bas salaires dans le contexte d’écrasement actuel des grilles de salaires, signifie ramener quasiment à la même rémunération un agent de catégorie C et un autre de catégorie B dans la fonction publique ou entre un employé et un technicien dans le privé. Travailler une véritable reconquête salariale et du pouvoir d’achat est une question politique majeure qui ne peut se mener sans une réflexion et des propositions pour l’ensemble des catégories professionnelles et donc se concevoir en dehors de la construction d’une lutte contre la domination du capital et ses prélèvements. Dans le même ordre d’idée toute revalorisation salariale satisfaisante et pérenne doit s’accompagner d’un processus de sécurité d’emploi et de formation, visant une éradication du chômage. Un des plus sûrs moyens pour garantir les rémunérations est, en même temps que la proposition de nouvelles grilles de salaires, de s’attaquer au chômage.  Les sans-emplois constituent une masse que manœuvre et utilise le patronat pour faire pression à la baisse sur les salaires, l’armée de réserve comme le disait Marx. Aujourd’hui le patronat dispose avec l’utilisation qu’il fait des potentiels de productivité nouvelle de la révolution informationnelle pour accroître la rentabilité financière des capitaux, d’un moyen de pression énorme sur l’évolution des salaires qui rend de plus en plus indissociable la lutte pour l’augmentation des salaires et des revenus du travail et celle pour le sécurisation et la promotion de l’emploi et de la formation pour chacune et chacun. Pierre angulaire du développement de l’activité économique, l’emploi est le   vecteur central de la création de la richesse sur laquelle sont prélevés les salaires et les pensions. L’emploi est la meilleure sécurité pour de bons salaires, une bonne protection sociale, de bons services publics. On s’en rend compte en cette période de confinement de nombreux salariés pour cause d’épidémie de coronavirus où les budgets publics et sociaux sont exsangues ainsi que les trésoreries de nombreuses entreprises. Salaires et pouvoir d’achat sont un enjeu de l’affrontement de classe entre capital et travail. Raison de plus pour qu’il mobilise toute notre capacité créatrice pour un nouveau système d’émancipation humaine.

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