Éditos

Éditorial – Non à la rhétorique consensuelle du « jour d’après »

En pleine crise sanitaire, l'urgence de traiter d'un sujet fait consensus, de droite à gauche : « le jour d'après ». Macron a lancé l'idée : « le jour d'après ne ressemblera pas aux jours d'avant ». Selon Les Echos (6/4/20), les députés LREM vont engager de façon informelle « une réflexion sur l'après, le jour d'après » a indiqué Gilles Le Gendre.

En pleine crise sanitaire, l’urgence de traiter d’un sujet fait consensus, de droite à gauche : « le jour d’après ». 
Macron a lancé l’idée : « le jour d’après ne ressemblera pas aux jours d’avant ».
Selon Les Echos (6/4/20), les députés LREM vont engager de façon informelle « une réflexion sur l’après, le jour d’après » a indiqué Gilles Le Gendre.

Dans le même journal on apprend qu’une soixantaine de députés « issus de l’aile gauche de LREM, du Modem, du groupe Liberté et Territoires ou encore du PS et d’EELV » ont lancé une plateforme baptisée « le jour d’après ». Yannick Jadot plaide pour un « Grenelle du monde d’après ». Et à gauche le sujet est aussi mis l’ordre du jour, en vue de débats et de rencontres.

Il y a un point commun à ces démarches: l’impasse sur la nature double de la crise en cours, sanitaire et économique, sur l’arrivée d’une crise sans précédent. Même les interventions du PCF sont prises dans ce consensus.

Pourtant le train de la crise sanitaire cache à peine le train de la crise en voie d’explosion sur le plan économique, social, politique, sa dimension mondiale, le train de « sang et de larmes » pour les peuples que préparent les capitalistes du monde et leurs pouvoirs.

Dans une analyse détaillée et prospective de la situation [1]https://www.economie-et-politique.org/2020/03/31/conjoncture-de-chocs-en-chocs-tout-un-systeme-en-cause/ , Yves Dimicoli parle de  « tsunami », prévoyant un « choc sans précédent pour les économies occidentales », un choc « systémique … entraînant le risque d’une récession de plusieurs points … Douze ans après la crise financière, la crise actuelle (sanitaire et économique pour l’heure, avec des effondrements financiers partiels en attendant un collapsus financier plus global), n’est pas une simple répétition de ce qui s’est passé en 2008. Elle est potentiellement beaucoup plus dommageable, l’économie mondiale, et en particulier, celles des pays de l’OCDE, ayant été très gravement abîmée par l’exacerbation de la domination des capitaux financiers qu’ont engendrée les tentatives de réponses capitalistes à l’épisode de 2008. »

Yves Dimicoli alerte sur l’austérité renforcée que prépare le gouvernement français, sur la situation des Etats-Unis, où « une gigantesque sur-accumulation de capitaux matériels et surtout financiers est prête à exploser », au Moyen-Orient et en Afrique, « où une catastrophe se prépare. »

« Tout semble indiquer, conclut-il, que l’on va vers des convulsions violentes. Le déclenchement d’un super krach pourrait faire basculer le monde entier dans une dépression durable dont la conjuration exigera des luttes pour des changements très profonds ».

On ne peut pas dire qu’on n’est pas prévenus. D’autant que le Manifeste adopté par le dernier Congrès du Pcf avait repris à son compte, l’anticipation de Paul Boccara concernant « la crise qui vient ». Maintenant elle est là. Il est urgent de le réaliser ; c’est de grande conséquence politique.

Le pouvoir et les forces du capital préparent l’appel à verser « du sang et des larmes » pour le capital, sous couvert de « la faute au virus », comme dans les années 70, « la faute au pétrole».

Et, sans avancée de transformation radicale du système, sur l’utilisation de l’argent, le rôle des banques jusqu’à la BCE, et des pouvoirs des travailleurs pour changer les critères de gestion des entreprises, la gauche inscrira ses réponses dans la même logique ou s’y résignera.

Les travailleurs, les peuples paieront très cher, et personne ne les aura alerté ? Personne n’aura posé les bases de la résistance, et dans la résistance les bases de l’issue ? Dans ce cas, c’est le désarroi qui prédominera, ouvrant la voie au pire.

En France, Macron et le gouvernement ont, sous couvert de la crise sanitaire, mis en place par ordonnances des règles de regression sociale et de repression, prêtes à l’emploi contre les salariés et les luttes. Cela appelerait une protestation beaucoup plus forte, une alerte qui ne peut prendre sens qu’associée à l’alerte sur la crise qui vient, plutôt qu’au discours si rassurant sur «  le jour d’après ».

Plutôt que participer à nourrir des illusions sur « le jour d’après », plutôt qu’appeler à préparer « les jours heureux », et à « reconstruire » comme si on était à, la veille d’une nouvelle Libération, comme si on n’allait pas vers un cataclysme mondial, économique, social, politique, et qui sait, militaire, face auquel il faut préparer la résistance, n’est-il pas urgent que le parti communiste alerte sur « la catastrophe imminente et les moyens de la conjurer », et organise la bataille, dans les conditions possibles aujourd’hui, avec des moyens d’action, des idées et des slogans forts et rassembleurs, tel ceux portés par la pétition « des milliards pour l’hôpital, pas pour le capital » en voie de dépasser les 100 000 signataires ? N’est-il pas urgent de réfléchir tout de suite aux modalités des mobilisations qui vont être nécessaires, et aux réponses à porter, au dela de l’urgence, bref à l’organisation de cette nouvelle résistance ?

Pour moi, c’est cela la responsabilité du PCF, le rôle de mobilisation qu’il devrait jouer, sans crainte d’être un peu en avance sur ce dont les gens ont conscience, en même temps que ses militants se dévouent sans compter pour la solidarité.

Jouer ce rôle distinguerait le Parti communiste, le ferait sortir de l’ombre dont nous avons affirmé la volonté de sortir. Cela donnerait une très grande force à un candidat communiste à l’élection présidentielle, dont cela permettrait de faire reconnaître la nécessité, avec son originalité de vision et de proposition.

Dans cette situation, face à des risques considérables,  il y a un défi, peut-être historique, pour le Parti communiste, s’il parvient à être à la hauteur, à penser et à agir en parti révolutionnaire.

Mais l’histoire ne repasse pas les plats. Il y a urgence à se ressaisir.

5 comments on “Éditorial – Non à la rhétorique consensuelle du « jour d’après »

  1. Colombe

    S’il n’y a pas la pression populaire et du PCF ,j’ai bien peur que le  » jour d’après » d’une certaine « gauche » ressemble au « changement dans la continuité  » ,qui va faire le jeu de l’extrème droite tous les jours présente dans les médias .

  2. alain bolla

    Je partage pleinement l’analyse qui nous amène à une démarche beaucoup plus offensive, dont il faut trouver les formes.

    C’est pendant l’occupation qu’est né le conseil national de la résistance ! pas à la libération !
    Je pense qu’il s’agit tout à la fois d’organiser sur le fond la résistance en déclarant publiquement que Macron est en guerre au nom de la finance! Pas contre le coronavirus, mais contre la société actuelle pour la remodelée afin de tenter de trouver une issue à la crise du capitalisme.

    Le report de la réforme des retraites est symptomatique à mon sens de l’enjeu. Il avance à coup d’ordonnances destructrices des droits et des libertés et il reporte la réforme sur la retraite ???

    C’est que les enjeux qui découlent de la situation actuelles sont plus forts du point de vue du capital que ceux liés à la retraite, alors que précédemment, ils étaient un des points nodaux de la politique macronienne.

  3. GALLIER Claude

    Bonjour cher camarades. Un petit mot en peu de temps sur ce qui me parait l’essentiel. D’accord sur l’objectif de résistance , sur l’offensive contre la politique clairement nommée du capital. D’accord pleinement sur la nécessité pour le PCF de se « distinguer » ce qui s’appelle pour moi assumer son rôle de Parti d’avant garde dans la lutte pour un changement de régime. Et c’est là que je diverge avec ce texte qui ne nous propose que de remettre nos pas dans une opposition de type syndical sur des objectifs importants mais partiels. C’est au contraire le moment de proposer un projet global démontrant sa cohérence et montrant que seule cette cohérence anti capitaliste d’ensemble peut constituer une véritable alternative. Il faut proposer un programme de gouvernement pour la France ! Et , oui, pour des jours heureux! Rien ne sera plus révolutionnaire que cette proposition a la sortie désorientée de ces jours de malheur. Ne pas remettre son vieil habit d’opposant , même radical, mais apparaître ENFIN comme la solution, comme le recours ! Capables de mobiliser la jeunesse et les rêves de tous pour un autre monde. Mais pas une ritournelle , pas une petite chanson mais un programme crédible, concret, dont on peut toucher et l’objet et le mieux vivre pour soi comme pour tous.Le PCF ne croit plus en lui depuis trop longtemps. Je vois que les plus combatifs risque de rater le coche. Allons ! Le combat de classe résolu et l’espoir en une autre société ont toujours marché ensemble. Vous savez depuis quand, malheureusement, on a laissé l’espoir à d’autres…. A nous maintenant de casser le mur, le mur de l’argent ! Mais derrière le mur il doit y avoir le Bonheur ! Pour que tous aient envie de s’y mettre. C’est de confiance avant même que de courage dont nous avons besoin. Claude

  4. jeanfranoisdron

    Je partage le contenu de ce texte mais j’aimerai souligner une chhose. Il nous faut cette fois-ci en l’état actuel des coses être clair et le rester Etre le fer de lance sur nos idées sans en dévier d’un poil. Elles sont à prendre ou à laisser mais plus jamais à mégoter. Redevenons un parti offensif et conquérant c’est l’ultime moment. Il faut faire feu de tous bois !

  5. Jean-Claude VASLET

    A quand un live à 18 heure ?

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