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Deux lois au service du capital

Après les discours enjôleurs du président de la République sur « la santé gratuite, sans condition de revenus, de parcours ou de profession » qui ne doivent pas être considérés comme « des coûts ou des charges, mais des biens précieux », sur les «biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché », la réalité des actes politiques du gouvernement tombe lourdement.


Table des matières

Deux lois au service du capital

Après les discours enjôleurs du président de la République sur  « la santé gratuite, sans condition de revenus, de parcours ou de profession » qui ne doivent pas être considérés comme « des coûts ou des charges, mais des biens précieux », sur les «biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché »,  la réalité des actes politiques du gouvernement tombe lourdement. Ils sont contenus dans les deux textes qui ont été soumis au vote des assemblées: le Projet de Loi de Finance Rectificative (PLFR) et le projet de loi  instaurant «l’état d’urgence sanitaire». Ces deux textes sont intimement liés par un fil directeur commun : une logique néolibérale aggravée qui conforte le capital et dont l’application repose sur une privation des libertés démocratiques et des droits sociaux. Cela rappelle les  pires moments de notre histoire.

            Le PLFR débloque une «aide financière» qui ne règle en rien l’asphyxie du secteur public hospitalier, vient au secours des profits des entreprises sans garanties de maintien de l’emploi pour les salariés, sans le moindre contrôle démocratique de l’usage des fonds, contribue au fractionnement du salariat par une exposition différenciée à la perte de revenus, et exonère le capital financier de toute contribution, en dépit de son immense responsabilité dans la crise économique. La note qui suit[1]Cette note, réalisée à la demande de la direction du Parti, lui a été transmise avant le débat et le vote, ainsi qu’aux groupes parlementaires en fait une analyse serrée, et pointe en regard,  ce qui aurait constitué une véritable réponse à la crise sanitaire.

            Le projet de loi instaurant l’état d’urgence sanitaire est en fait l’utilisation  déguisée du fameux article 16 de la constitution. Les  pleins pouvoirs sont accordés au gouvernement et au patronat, sans limitation de durée! Le parlement n’est plus qu’observateur, les préfets acquièrent l’autorité judiciaire, les restes du droit du travail  volent en éclat, les pouvoirs de négociation des salariés sont anéantis avec un droit divin du patronat rétabli sur l’utilisation des RTT, des congés…et la durée du travail. Avec, en miroir, l’injonction à travailler dans les secteurs non essentiels, et le droit de retrait inévitablement remis en cause.

             En fait, le gouvernement est déjà dans le «jour d’après», celui de la crise économique dont il entend protéger le capital et faire payer la note aux salariés, tout en muselant les résistances potentielles.

            Il ne saurait être question «d’union sacrée» avec un pouvoir qui poursuit inflexiblement sa trajectoire d’austérité pour les services publics  et son soutien au capital, ce qui ne peut qu’aggraver la crise systémique. Le lien politique qui unit les deux textes de loi, tout comme le fait que la critique sur le PLFR n’est pas seulement d’ordre quantitatif, mais porte sur la nature de la démarche qui le sous -tend, justifiaient que les critiques formulées par les parlementaires communistes lors du débat soient prolongées et rendues visibles par un vote, acte politique, exprimant des réserves sur le PLFR. Il est regrettable que cela n’ait pas été le cas à l’Assemblée Nationale. L’urgence politique pour le PCF est de rassembler les travaux et réflexions qui foisonnent dans ses commissions (santé, économie, écologie,  entreprises, droits des femmes…) afin d’élaborer un plan de lutte contre la crise sanitaire et économique, articulant mesures immédiates, actions de moyen terme et propositions structurelles de dépassement du capitalisme, pour répondre à la violence de la situation qui va résulter de la conjonction des deux crises jumelles, sanitaire et économique.   


Avis et propositions à la lecture du Projet de Loi de Finance Rectificative pour 2020

Par Frédéric Boccara, Denis Durand, Jean-Marc Durand, Yves Dimicoli, Frédéric Rauch, pour la Commission économique du PCF

Critique

Les montants budgétaires supplémentaires sont très maigres : seulement 6,3 Md€ réellement mis. Le reste en simple garantie, qui n’amène pas de déboursement en fait. Pour les entreprises : rien n’est prévu sur le coût des prêts de trésorerie qui leur seraient faits !!

Pas de contrôle démocratique (salariés, notamment) de l’utilisation qui va être faite des montants mis. Le ciblage salaires, emploi n’est pas clair.

Ni les banques, ni les grandes entreprises, ni les assurances, ni les grandes fortunes ne sont impliqués ni les différents capitaux spéculatifs… qui nous ont pourtant conduits à avoir un système de santé autant dégradé.

Rien, rien n’est mis pour les hôpitaux !!!

Rien n’est mis pour la filière de production de matériel médical, ou de matériel de protection.

Aucune mesure d’institution territoriale de coordination et de suivi nouvelle de la production de la filière de santé !

Rien n’est dit sur la dimension nécessaire de coopération européenne, ni mondiale, jusque dans les financements.

Attendus

Il faudrait avant tout, à côté de ce collectif budgétaire, une loi portant une clause générale de suspension et interdiction des licenciements, non seulement durant le plus fort de la crise sanitaire, mais aussi dans les mois qui vont suivre la sortie de crise. C’est indispensable !!

Par ailleurs, on propose de mettre 6,3 Mds d’euros c’est minable. D’après la presse, l’Italie met 25 Md€ et les allemands plus de 30 Md€. Avant crise, rien que pour l’hôpital, les soignants, dont on voit bien qu’il faut les écouter, demandaient un plan d’urgence de 4 Md€.

Si nos parlementaires proposent de mettre plus d’argent, on va nous opposer la disposition de procédure parlementaire qui exige que toute dépense soit financée.

                Concernant ce point nous faisons la double proposition.

  • Politiquement : il faut des dispositions d’urgence, non pas de commandement anti-démocratique et de je ne sais quel état d’exception, mais des dispositions financières d’urgence. De même que la règle de Maastricht des 3% (devenue 1%) est suspendue, nous devons suspendre cette disposition. C’est cela l’état d’urgence sanitaire en matière budgétaire
  • Financièrement. Créer un Fonds d’urgence sanitaire financé par une contribution spéciale des banques, des assurances, des grandes entreprises, et un financement par la CDC (caisse des dépôts) qui aura vocation à exiger de bénéficier du financement de la BCE (Quantitative Easing) à 0%, voire négatif.

Il apparaît absolument nécessaire de promulguer l’arrêt du travail dans toutes les activités non essentielles au fonctionnement du pays et à la « guerre sanitaire », ces activités restant à déterminer. L’urgence c’est la santé, l’Humain d’abord, donc d’arrêter la contamination, plutôt que d’être obsédés de produire (pour le profit ??) ou de ne pas faire paniquer les marchés financiers. Les chinois ont bien su arrêter leur production. Nous devons le faire ! Et ne pas laisser cela à la prétendue « libre détermination » des travailleurs, des travailleuses ou des employeurs. Une rupture est nécessaire là aussi. Le Président a d’ailleurs employé le mot.

Il faut par ailleurs prévoir, hors PLFR, une disposition de soutien au pouvoir d’achat des ménages et des PME/TPE, commerçants, artisans, auto-entrepreneurs, par :

  • Suspension des remboursements d’emprunts bancaires pour ceux qui le demandent, et sans frais
  • Blocage de la hausse des prix des produits alimentaire et de première nécessité (ce qui nécessitera d’ailleurs l’embauche de fonctionnaires dédiés)

Nous souhaitons examiner dans les tous prochains jours un dispositif pour impliquer les banques dans cette véritable « guerre sanitaire » qu’il faut organiser.

Enfin, il faut savoir ce que le gouvernement engage comme négociations européennes en matière de coopération financière et productive. Et la France doit porter devant le G7 l’exigence de coordination contre les deux crises siamoises, sanitaire et économico-financière, à commencer par une fermeture de l’ensemble des bourses et marchés financiers, mais aussi une implication du FMI au service de l’OMS.

Mesures à prendre dans le budget pour un meilleur PLFR

  • Création d’un fonds d’urgence sanitaire de bonification, d’investissement et d’avance sur salaires. Création d’une contribution exceptionnelle des grandes entreprises, des banques et des assurances pour abonder ce Fonds. Dotation immédiate par un crédit de la Caisse des dépôts. Engager les négociations pour son financement par la BCE et son quantitative easing, à 0%. Gouvernance démocratique de ce Fonds : parlementaires et élus régionaux, représentants des travailleurs et des organisations syndicales, représentants des organisations patronales. Ce fonds aurait deux sous branches : une branche soutien à l’économie et une branche soutien au système de santé.
  • Soutien aux trésorerie des PME/TPE, artisans, commerçants et les secteurs  les plus impactés… par des prêts et avances à taux zéro (0%) ! Avec des conditions précises : maintien de l’emploi et des salaires, pas de licenciement.
  • Porter l’indemnisation du chômage partiel à 100% du salaire, yc primes
  • Suivi de cette aide par les CSE (comités sociaux et économiques) qui pourront saisir les services de l’Etat ou la gouvernance du Fonds d’urgence.
  • Dotation du Fonds pour 10 Mds pour les hôpitaux et le système de santé. Construction de plusieurs hôpitaux (dans le Hubei, ce sont 14 hôpitaux qui ont été construits), le nombre étant à déterminer avec les représentants démocratiquement choisis du système de santé. Outre la construction et l’extension d’hôpitaux, cette dotation pourra financer les achats de produits et matériels, certaines embauches, voire des formations d’urgence, ainsi qu’une prime (cf. plus loin).
  • Rétablissement de l’ISF et, surtout, suppression du plafond fiscal (Flat Tax) pour financer le fonds d’urgence
  • Une réserve, dont le montant est à déterminer, pour compenser auprès des organismes de Sécurité sociale les cotisations sociales qui ne seront pas versées, notamment celles dont l’Etat a annoncé qu’elles seront décalées ou suspendues.
  • Une réserve de 4 Md€, qui pourra être abondée par des prêts de la BPI à 0%, pour le rachat ou la création d’entreprise (par investissement matériel public direct) d’entreprises de fabrication de matériels de santé (respirateurs artificiels), de produits médicaux (tests), laboratoires d’analyse, ou la fabrication de masques, gants et vêtements de protection.
  • Prime exceptionnelle pour tous les soignants, avec un engagement de revalorisation générale des carrières (points d’indice), un plan d’embauches et de formation.

Notes

Notes
1 Cette note, réalisée à la demande de la direction du Parti, lui a été transmise avant le débat et le vote, ainsi qu’aux groupes parlementaires

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